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             saper les structures de pouvoir indigènes, ainsi que pour nommer les adju-
             dants-chefs britanniques. En ce qui concerne la représentation de la culture
             africaine, le paiement de la dot est délibérément lié dans le récit à l'institu-
             tion de l'esclavage, de sorte que la condamnation de l'esclavage est utilisée
             pour dénigrer les coutumes conjugales. Ce lien s'exerce pleinement dans la
             séquence du mariage Bosambo-Lilongo, où Sanders utilise sa position de
             seule autorité dans le district pour imposer à Bosambo une conception eu-
             ropéenne du mariage, un homme, une femme. Conformément aux conven-
             tions du cinéma africain colonialiste, le roi Mofalaba est représenté comme
             un despote barbare prêt à tout pour imposer son autorité à ses sujets, y com-
             pris à tuer et à tendre la peau des chefs déloyaux sur ses tambours. En
             termes d'articulation spatiale, le dialogue entre Sanders et Mofalaba est
             tourné en plan/plan inversé, avec une brève coupe sur le plan de réaction
             de Bosambo lorsque Mofalaba dit qu'il connaît la peau qui sera tendue sur
             son dixième tambour. Bien que Sanders ne jouisse pas d'une plus grande au-
             torité spatiale que Mofalaba dans cette séquence, la force et l'autorité de son
             discours reflètent le déséquilibre du pouvoir entre lui et Mofalaba.

                       La relation entre les deux niveaux d'autorité en conflit est donc
             basée sur la suspicion, la tension et la violence. Sanders soupçonne toujours
             le roi d'essayer de saper son autorité, tandis que le roi considère que la nomi-
             nation de Warrant Chiefs qui doivent faire allégeance aux autorités coloniales
             britanniques porte atteinte à son droit de nommer des chefs. La caractérisation
             reflète également les conventions générales du discours africain colonialiste
             dans lequel les collaborateurs comme Bosambo deviennent les bons africains
             et les chefs traditionnels comme Mofalaba, qui s'opposent à la présence im-
             périale britannique, aussi égocentrique que soit cette opposition, deviennent
             les mauvais africains. Mais ironiquement, le bon Africain est aussi celui qui
             est traité avec beaucoup de condescendance, puisque la relation entre lui et
             ses patrons britanniques est basée sur la relation maître-serviteur, et non sur
             l'égalité. Par exemple, le personnage de Bosambo est toléré et traité avec
             condescendance par Sanders. Lorsqu'il se présente devant Sanders dans la
             séquence d'ouverture du film, afin de lui conférer le titre de chef d'Ochori, il
             reste debout alors qu'on s'adresse à lui comme un enfant convoqué devant
             son père ou son directeur. Pour le réduire encore plus, malgré la grande taille
             de Paul Robeson, Sanders invoque son passé criminel, ses activités au Li-
             beria. Le fait qu'il soit dépeint comme un ancien détenu libérien le lie sym-
             boliquement aux africains de la diaspora, en particulier aux afro-américains,
             puisque le Liberia a été créé comme colonie de peuplement pour les esclaves
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