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deux films de Lahkdar Hamina: Décembre (1972) et Chronique des an-
nées de braise (1975). La plupart des films de cette décennie mettent en
scène, la guerre d'indépendance. Mais la création de l'ONCIC a également
montré les limites de l'implication du gouvernement dans la production ci-
nématographique. Si les cinéastes africains avaient examiné plus attentive-
ment la situation algérienne, ils auraient peut-être pu prévoir et prévenir les
échecs du Fodic au Cameroun et du Bureau du Cinéma au Sénégal.
L'ONCIC, qui n'accordait initialement que le monopole de la distribution des
films, a progressivement absorbé toutes les autres fonctions pour devenir un
monopole d'État total. A partir de ce moment, il était évident que le cinéma al-
gérien ne devait pas avoir un rôle révolutionnaire mais plutôt servir d'outil de
propagande pour soutenir les politiques gouvernementales .
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Les priorités politiques imposent qu'après le départ des colons fran-
çais, les terres qui avaient été confisquées soient redistribuées de manière
à maintenir le niveau de la production agricole. Les films sur la réforme
agraire sont encouragés. En 1972, Mohamed Bouamari produit Le Brûleur
de charbon de bois et Abdel Aziz Tolbi produit Nua. En 1974, Bouamari
produit un deuxième long métrage sur des thèmes ruraux: L'Héritage. Néan-
moins, la mémoire populaire et l'histoire de la lutte nationaliste pour l'in-
dépendance restent présentes tout au long de ces années. Lamine Merbah,
président du Comité des cinéastes du tiers monde, a produit deux longs
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métrages en l'espace de quatre ans: Les Pilleurs (1972) et Les Déracinés
(1976). Ces expériences et réalisations ont été appréciées par la plupart des
cinéastes africains présents à la conférence d'Alger.
Lors de la conférence d'Alger de 1973, les délégués ont produit un
ensemble de résolutions très critiques à l'égard du « développement du ca-
pitalisme à l'échelle mondiale ». Faisant écho aux analyses de Walter
Rodney, Eric Williams, Césaire et Fanon, ils ont soutenu que le
colonialisme n'était pas une entreprise humanitaire mais une entreprise
militaire et com- merciale dont l'objectif à long terme était la domination
et l'exploitation permanentes de diverses parties du tiers-monde. Ils ont
affirmé que la re- cherche de marchés et d'une main-d'œuvre bon marché
déterminait la nature d'une telle conquête, et que celle-ci était inhérente à
une intention aveugle de soumettre les « peuples indigènes » par le biais de
diverses formes de violence. Pour les délégués de la conférence, la thèse
de Fanon selon la- quelle l'assujettissement par la force de continents
entiers se perpétue par le biais de discours « mystificateurs » sur la
population locale, « normalisés » par l'imposition de langues coloniales et
rendus « ordinaires » par la