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Sada Niang / La FEPACI et son héritage 221
les pays civilisés, la misère et la pauvreté faisaient le triste bénéficiaire des dé-
rives des classes supérieures ?
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Le roman de Zobel a été publié dans les années 1950, mais ces ré-
flexions résonnent encore dans Moi Tituba sorcière noire de Salem (1986)
de Maryse Condé. Par conséquent, à partir des années 1960, les cinéastes
africains se sont armés d'un « ferment politique » et ont affirmé que « ce
que vous avez fait aux films et à la création cinématographique devait éga-
lement avoir un impact sur le changement du monde ». Des images ont
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été créées qui s'écartaient de « l'exotisme de l'Afrique photographié de ma-
nière sélective ou créé par la fiction 67 » pour dépeindre ses terres et ses
peuples et raconter ses histoires par leurs voix. melissa Thackway qualifie
cette première série de films africains de « première vague » ou de « genre
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colonial conflictuel » Leurs intrigues cherchent à « se réapproprier l'his-
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toire africaine comme une contre-histoire ». Les premiers films de sem-
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bène, par exemple, racontent à nouveau l'histoire du continent en utilisant les
souvenirs populaires des résistances quotidiennes et exceptionnelles à la do-
mination. Emitai (1971), en particulier, rappelle « l'effet déshumanisant »
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du travail forcé, de la conscription forcée, des impôts injustes et des contri-
butions prédatrices à l'effort de guerre européen. A l'inverse, il met en avant
la « liberté et l'intégrité de la population africaine » en présentant ses struc-
tures religieuses et sociales stables, bien que vaines. Les films de cette pre-
mière vague ont tenu compte des principes du cinéma nouveau et, comme
l'affirme Thackway, de « l'appel des théoriciens de la libération à réinter-
préter le monde ». Ukadike suggère en outre que cette période a été domi-
née et façonnée par deux cinéastes, qui sont tous deux des idéologues avisés
et des artistes accomplis : Sembène et Hondo :
Leurs efforts comprennent l'exploration des impératifs culturels et l'infusion de
modèles de récits oraux africains, dans des récits cinématographiques occidentaux
d'inspiration technologique, établissant ainsi un langage cinématographique afri-
cain avec lequel analyser les cultures traditionnelles et modernes. Cette combi-
naison unique, affirment les deux cinéastes, met l'accent sur les formes culturelles
africaines et les anciens modèles de représentation africains, mais elle dilue éga-
lement la puissance des formes de représentation dominantes qui n'ont pas été et
ne peuvent pas être complètement éliminées de leurs films .
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Le premier long métrage de Moustapha Alassane, Aouré (1962),
est, à bien des égards, une réplique à l'écran de L'Enfant noir (1953) de Ca-
mara Laye. Il dépeint les espaces ainsi conquis et « pacifiés » des villages
africains où les vies se font et s'améliorent, les alliances se négocient et les
rôles sociaux se définissent selon les valeurs africaines. Au milieu des pans