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vernements locaux de répondre aux besoins des cinéastes du continent. Il
reconnaît que quinze ans après la Charte de la FEPACI de 1975, la coopé-
ration prévue en matière d'infrastructure entre les États africains n'a pas été
mise en place, que la plupart des cinéastes souffrent toujours d'un manque
de soutien technique local, que les structures de distribution coloniales en-
travent l'exposition des films africains, que le développement esthétique
susceptible de favoriser les identités africaines est encore très hésitant et
que, dans la plupart des régions, une association professionnelle de cinéastes
fait toujours défaut. Un document final doit être envisagé: La « Déclaration
des femmes africaines professionnelles du cinéma, de la télévision et de la
vidéo » adoptée lors du douzième FESPACO qui s'est tenu en 1991 à Oua-
gadougou (Burkina Faso). Il s'agit d'une critique sexuée directe non seule-
ment de l'orientation nationaliste de la Charte de 1975, mais aussi de sa
némésis de 1990. C'est une invitation à reconsidérer l'image de la femme
dans le cinéma africain, un argument en faveur d'une plus grande partici-
pation des femmes, et d'une plus grande présence des perspectives fémi-
nines dans les différentes parties du cinéma.
L'héritage artistique de la FEPACI
Le cinéma nationaliste des années 1960 et 1970 s'est généralement
structuré autour de la réfutation du discours colonial réducteur des XVIIIe
et XIXe siècles. Des films ont été créés pour démystifier la « fausse repré-
sentation manifeste » du continent, déraciner l'image enracinée de « l'indi-
gène noir menaçant » ou éradiquer l'image tout aussi répandue de l'africain
« brutal », « vicieux » et « superstitieux ». Ces fausses représentations
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ont stupéfié non seulement les africains mais aussi les noirs du monde en-
tier. Dans Black Shack Alley (1974) Joseph Zobel, l’auteur s'interroge:
Qui a créé, pour le cinéma et le théâtre, ce type d'homme noir, domestique,
chauffeur, valet de pied, absentéiste, prétexte à des paroles d'esprits simples,
roulant toujours des yeux étonnés, toujours avec un sourire idiot et irrépressible
plaqué sur le visage, provoquant la moquerie ? Ce noir au comportement gro-
tesque sous le coup de pied au derrière fièrement administré par le blanc, ou
lorsque ce dernier l'a fait berner avec une facilité qu'explique la théorie du
« Noir grand enfant ». Qui a inventé pour les noirs représentés au cinéma et au
théâtre cette langue que les noirs ne pourront jamais parler et dans laquelle, j'en
suis sûr, aucun noir ne parviendra à s'exprimer ? Qui a décidé, pour le noir, une
fois pour toutes, de ces costumes à carreaux qu'aucun noir n'a jamais fabriqués
ou portés de son propre choix? Et ces déguisements en chaussures usées aux
talons, en vieux vêtements, en chapeaux melons et en parapluies troués,
n'étaient-ils pas avant tout l'apanage sordide d'une partie de la société que, dans