Page 229 - Livre2_NC
P. 229

220                      FESPACO/BLACK CAMERA/INSTITUT IMAGINE 12:2

             vernements locaux de répondre aux besoins des cinéastes du continent. Il
             reconnaît que quinze ans après la Charte de la FEPACI de 1975, la coopé-
             ration prévue en matière d'infrastructure entre les États africains n'a pas été
             mise en place, que la plupart des cinéastes souffrent toujours d'un manque
             de soutien technique local, que les structures de distribution coloniales en-
             travent l'exposition des films africains, que le développement esthétique
             susceptible de favoriser les identités africaines est encore très hésitant et
             que, dans la plupart des régions, une association professionnelle de cinéastes
             fait toujours défaut. Un document final doit être envisagé: La « Déclaration
             des femmes africaines professionnelles du cinéma, de la télévision et de la
             vidéo » adoptée lors du douzième FESPACO qui s'est tenu en 1991 à Oua-
             gadougou (Burkina Faso). Il s'agit d'une critique sexuée directe non seule-
             ment de l'orientation nationaliste de la Charte de 1975, mais aussi de sa
             némésis de 1990. C'est une invitation à reconsidérer l'image de la femme
             dans le cinéma africain, un argument en faveur d'une plus grande partici-
             pation des femmes, et d'une plus grande présence des perspectives fémi-
             nines dans les différentes parties du cinéma.

             L'héritage artistique de la FEPACI

                     Le cinéma nationaliste des années 1960 et 1970 s'est généralement
             structuré autour de la réfutation du discours colonial réducteur des XVIIIe
             et XIXe siècles. Des films ont été créés pour démystifier la « fausse repré-
             sentation manifeste » du continent, déraciner l'image enracinée de « l'indi-
             gène noir menaçant » ou éradiquer l'image tout aussi répandue de l'africain
             « brutal », « vicieux » et « superstitieux  ».  Ces fausses représentations
                                                  64
             ont stupéfié non seulement les africains mais aussi les noirs du monde en-
             tier. Dans Black Shack Alley (1974) Joseph Zobel, l’auteur s'interroge:
                Qui a créé, pour le cinéma et le théâtre, ce type d'homme noir, domestique,
                chauffeur, valet de pied, absentéiste, prétexte à des paroles d'esprits simples,
                roulant toujours des yeux étonnés, toujours avec un sourire idiot et irrépressible
                plaqué sur le visage, provoquant la moquerie ? Ce noir au comportement gro-
                tesque sous le coup de pied au derrière fièrement administré par le blanc, ou
                lorsque ce dernier l'a fait berner avec une facilité qu'explique la théorie du
                « Noir grand enfant ». Qui a inventé pour les noirs représentés au cinéma et au
                théâtre cette langue que les noirs ne pourront jamais parler et dans laquelle, j'en
                suis sûr, aucun noir ne parviendra à s'exprimer ? Qui a décidé, pour le noir, une
                fois pour toutes, de ces costumes à carreaux qu'aucun noir n'a jamais fabriqués
                ou portés de son propre choix? Et ces déguisements en chaussures usées aux
                talons,  en vieux vêtements, en  chapeaux melons  et  en  parapluies troués,
                n'étaient-ils pas avant tout l'apanage sordide d'une partie de la société que, dans
   224   225   226   227   228   229   230   231   232   233   234