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Sada Niang / La FEPACI et son héritage 215
Alphonse Béni était un acteur camerounais, très actif dans les an-
nées 1970 qui excellait dans les thrillers, le kung-fu et les films érotiques.
Dès 1971, il commence à produire des courts métrages: Fureur au poing;
Un enfant noir. En 1974, Béni réalise son premier long métrage: Les Mecs,
les flics et les putains suivi un an plus tard (1975) d'un film érotique tourné
au Cameroun, Les Filles au soleil. En fait, à partir du milieu des années
1970, Béni alterne entre des contrats d'acteur en France et le tournage de
films érotico-pornographiques dans son Cameroun natal. Les films de Béni
sont financés par des accords de coproduction avec des sociétés euro-
péennes et sont diffusés dans toute l'Afrique de l'Ouest. Ils ont été bien dis-
tribués au Nigeria, au Ghana et dans d'autres pays anglophones
nouvellement indépendants. Au début et au milieu des années 1970, Béni
est l'un des rares cinéastes camerounais à pouvoir rembourser au FODIC
(Fonds d'aide à l'industrie cinématographique) les prêts qui lui ont été ac-
cordés pour la production de ses films. Pourtant, son style de cinéma a dé-
rangé de nombreux cinéastes africains émergents dans les années 1970. Son
cinéma n'était ni didactique, ni engagé dans l'amélioration de la condition
sociale des masses : le divertissement était son principal moteur. Dans les
films qu'il réalisait et jouait, il cherchait à divertir en faisant appel aux pul-
sions sexuelles des populations camerounaises, essentiellement urbaines.
Son langage cinématographique imitait celui des films de série B occiden-
taux ou asiatiques.
Dans Black Love (1974) par exemple, Béni joue le rôle de l'amant
de la fille d'un leader du Black Panther Party. Grâce à ses relations, son per-
sonnage acquiert des fonds appartenant à cette organisation, elle rompt avec
son amant et fait la fête dans tout Paris. Elle échappe à deux tueurs à gages
pour finalement succomber à l'agression au couteau de son amant délaissé.
Dans Les Mecs, les flics et les putains (1974), l'ironie, le quiproquo et le
sex-appeal se combinent pour offrir au spectateur une échappatoire parfaite
à sa réalité quotidienne. Béni incarne un inspecteur implacable (Dubois)
qui poursuit une bande de barbus. En fin de compte, alors qu'il les attrape,
il découvre que l'un des suspects, un homme blanc, est son frère. Le cinéma
de Béni l'a libéré de l'emprise financière du ministère de la Coopération. Il
a ouvertement plaidé en faveur d'un cinéma populaire et indépendant, libéré
du patronage écrasant de l'ancienne puissance coloniale. En fait, Béni a ral-
lié Nollywood bien avant qu'il ne soit de bon ton de le faire. Son terrain de
création était les bas-fonds urbains du continent. Il a exploré des récits, des
genres et des personnages qui, aujourd'hui, font le cinéma et la bonne for-
tune de cinéastes comme Ibrahim Olukunga ou Boubakar Diallo .
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