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             Enfin, à travers ces deux films s'affrontent également deux grandes ap-
             proches de la prise de vue du continent. Contras'City de Mambéty est dé-
             pourvu de personnages. C’est une œuvre qui parodie la situation africaine,
             presque indifférente aux questions de représentation. Elle présente des rues,
             des bâtiments, des espaces qui suggèrent l'Orient, l'Occident et la tradition
             africaine. Elle met en scène des hommes et des femmes dont les discours
             sont à peine audibles. Au mieux, on pourrait qualifier Contras'City d'allé-
             gorique. C'est un écrémage poétique du paysage urbain, une ode aux liens
             entre les différences qui coexistent dans un même espace. Mandabi est un
             film social réaliste qui oppose les anciens aux nouveaux schémas sonores,
             français et wolof, personnes éduquées et analphabètes, hommes et femmes.
             Sembène et Mambéty représentent les deux pôles du cinéma africain qui
             ont délimité la création cinématographique sur le continent au cours des
             quarante dernières années.

                     Au cours des vingt-cinq premières années, l'option Sembène a pré-
             valu, adulée, imitée et inefficacement imposée aux générations suivantes.
             Cependant, dans l'ère postcoloniale, l'alternative de Mambéty atteint de
             plus en plus le statut de canon. Qu'une telle alternative ait poussé les ci-
             néastes à formaliser leurs discussions sur les cinéastes les plus influents en
             une charte applicable à l'ensemble du continent reste une question non ré-
             solue. Ce qui est certain, c'est que le défi représenté par mambéty a pâli en
             comparaison des transgressions plus affirmées d'un autre cinéaste « sans
             charte »: le camerounais Alphonse Béni.

             Alphonse Béni

                     La plupart des cinéastes des années 1970 dépendent de finance-
             ments extérieurs pour produire leurs films. Grâce au « fonds de la coopé-
             ration  »  mis en place  par  le ministère de la Coopération,  leurs projets
             pouvaient être financés, à condition qu'une copie du film soit déposée au
             ministère une fois terminé. Mis à part le cas de l'Algérie décrit plus haut,
             les organismes gouvernementaux locaux mis en place pour aider les ci-
             néastes connaissent tous des difficultés financières et organisationnelles.
             Les cinéastes découvraient que, sans l'infrastructure de distribution et de
             production, leurs créations avaient peu ou pas de chance d'être rentables,
             que leurs projets futurs étaient mis en attente indéfiniment. Pourtant, au Ca-
             meroun, un acteur/producteur de film s'avérait être l'exception. Il s'appelle
             Alphonse Béni et, selon les créateurs de la FEPACI, son cinéma doit être
             combattu à l'intérieur et à l'extérieur de la FEPACI.
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