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Une emprise plus profonde sur les fondements de l'avenir s'est fait
sentir en 1963 lorsque Borom Sarret, du Sénégalais Ousmane sembène, a
été remarqué sur la scène cinématographique internationale et a remporté
un prix au Festival International de Tours en France. Ce court métrage, qui
suit un pauvre chauffeur dont la charrette est confisquée lorsqu'il franchit
la frontière du quartier européen de Dakar, porte de nombreuses marques
du cinéma africain à venir. Également touché par le néoréalisme, Borom
Sarret porte une réflexion brûlante sur la vie et la mort lorsque le chauffeur
transporte un enfant mort dans un cimetière, puis une femme enceinte dans
un hôpital. Son caractère ouvert et sa colère à peine contenue préfigurent
le pouvoir particulier que Sembène continuera à tirer des spectacles afri-
cains les plus ordinaires.
Lorsqu'il termine son film suivant, La Noire de . . . / (1966), le ci-
néma d'Afrique noire est incontestablement lancé. C'est le premier long mé-
trage réalisé au sud du Sahara.
«Au sud du Sahara» est une distinction importante mais probléma-
tique. La plupart des références, ici et ailleurs, au « cinéma africain » sont
dirigées vers les films subsahariens ou d'Afrique noire. Le terme se rapporte
également aux films dont les intentions sont essentiellement d'esprit afri-
cain, ce qui ouvre la définition à certains films et mouvements d'Afrique
du Nord et d'Égypte. Le réalisateur égyptien Youseff Chahine se considère
résolument comme un cinéaste africain. Le terme « africain » dans ce
contexte ressemble au terme « cinéma du tiers monde ». Mais technique-
ment, tous les films réalisés par des natifs du continent sont qualifiés d'afri-
cains, ce qui inclut la quarantaine de films produits chaque année. En
Égypte, les films se distinguent par l'emploi de stars fabuleusement gla-
mour, des intrigues sensationnelles agrémentées d'interludes musicaux et
une orientation résolument commerciale.
Il faut donc tenir compte d'autres débuts. Un précédent est resté let-
tre morte: Les yeux de la gazelle /Ain El Ghazel (1924), tourné en Tunisie
par Shemama Chicly, un film décrit par Taher Cheriaa comme « sans
succès et sans suite », puisque trois décennies s'écouleront avant la produc-
tion d'un autre film tunisien. En revanche, Laila (1927), généralement consi-
déré comme le premier long métrage égyptien, a été rapidement suivi de
plusieurs autres.