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             l'ancien. Ce thème est notamment abordé dans Koudou (1970, Sénégal)
             d'Ababacar Samb-Makharam, qui se concentre sur une jeune femme,
             émotionnellement troublée par l'épreuve de la scarification rituelle, qui est
             traitée sans succès par des psychothérapeutes occidentaux, et trouve fina-
             lement du réconfort dans les pratiques de guérison traditionnelles.

                     Fréquemment, dans les films africains, les femmes qui respectent
             les anciennes coutumes sont juxtaposées à celles qui sont attirées par l'es-
             thétique, la morale et le consumérisme occidentaux. Mais ce paradigme co-
             existe avec des films qui offrent un nouvel examen des vieilles attitudes
             sociales,  comme  lorsque  des hommes chauvins  limitent la  liberté  des
             femmes, ou lorsque de vieilles barrières de caste et de classe font obstacle
             aux jeunes amoureux et à une plus grande harmonie sociale.

                     Il n'est pas surprenant que ces thèmes soient présents dans l'œuvre
             d'Ousmane Sembène, le réalisateur africain le plus connu, et légitimement
             considéré comme l'un des artistes majeurs du siècle. Sembène était docker
             en France lorsqu'il a appris à écrire de la fiction. Les bouts de bois de Dieu,
             son deuxième roman, est un chef-d'œuvre de la littérature africaine et mon-
             diale. Pourtant, il s'est presque immédiatement détourné de ce succès pour
             se tourner vers le cinéma, réalisant que l'éveil politique de son peuple, la
             vocation qu'il s'était choisie, serait mieux servi par le cinéma que par la fic-
             tion, dans un Sénégal où la majorité des gens ne savent pas lire.

                     Si tous les films de Sembène ont été chaleureusement accueillis au
             Sénégal et à l'étranger (à l'exception de Ceddo, interdit dans son pays), ses
             admirateurs sont divisés sur leurs préférés. La puissance de son art cinéma-
             tographique a été quelque peu atténuée dans ses trois premiers longs mé-
             trages pour  satisfaire  les  spectateurs  occidentaux,  pour qui sa  subtile
             dialectique marxiste et ses significations multiples se perdent dans la rete-
             nue de son style cinématographique, sa caméra fixe, ses rares gros plans,
             ses longs silences et son rythme délibéré et rituel. Comme son style litté-
             raire, la technique cinématographique de Sembène repose sur un réalisme
             immanent, où la surface de la réalité quotidienne et prosaïque est simulta-
             nément la scène de résonances, de métaphores et de symboles moins évi-
             dents. Teshome Gabriel compare cette technique à la méthode de la cire
             perdue utilisée pour fabriquer des sculptures en or africaines  .
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