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             nombreux cadres de ses apparitions: avec le balai d'un balayeur parisien,
             dans une salle de classe, conversant avec un cadre sur le capitalisme, sou-
             lignent tous son aliénation essentielle et son identité ambiguë. Il est trau-
             matiquement et climatiquement choqué par le gaspillage de nourriture d'une
             famille française lors d'un déjeuner dans leur villa de campagne. S'enfuyant
             dans la forêt, il s'effondre sur les racines noueuses d'un arbre, son esprit se
             remplit d'images de révolutionnaires du tiers monde, Patrice Lumumba,
             Che Guevara, Malcolm X, et ses oreilles résonnent de tirs de mitrailleuses.

                     Selon la critique Françoise Pfaff, le style cinématographique de
             Hondo révèle l'influence de la technique (et des valeurs) littéraire pertur-
             batrice de Frantz Fanon, Léon damas et Aimé Césaire, de l'anticlassi-
             cisme militant de Godard et du théâtre d'avant-garde, ainsi que de la
             tradition orale africaine, le précédent que Hondo cite avec le plus d'insis-
             tance. Ces influences se retrouvent dans les documentaires qu'il réalise après
             Soleil Ô. Les Bicots-negres, vos voisins / Dirty Arabs, Dirty Niggers, Your
             Neighbors (1973), exhorte longuement l'utilisation abusive des travailleurs
             maghrébins et noirs africains en France. Nous aurons toute la mort pour
             dormir / We'll Have All Death To Sleep (1977) suit, avec sympathie, les al-
             lumeurs de feu du mouvement de libération du Polisario.

                     West Indies de Hondo (1979) est un film africain extraordinaire,
             d'abord pour son coût (1,35 million de dollars), ensuite pour son spectacle
             pictural et dramatique. Basé sur une pièce de Daniel Boukman, un Marti-
             niquais, c'est un magnum opus: un opéra cinématographique qui se déroule
             sur un gigantesque bateau négrier, dont on dit qu'il a été mis en scène dans
             une immense usine Citroën abandonnée. Cette épopée colorée de musique
             et de danse fait le lien entre l'oppression passée et présente des africains de
             l'Ouest et leur endurance, d'abord face à des rois africains vénaux qui ven-
             daient leurs compatriotes à l'esclavage, puis face à leur homologue mo-
             derne, l'élite africaine qui collabore au néocolonialisme français.

                     Haile Gerima, un autre africain expatrié, a rapatrié l'aliénation et l'in-
             dignation de son séjour en Amérique dans un film remarquable, Harvest : 3000
             Years, réalisé dans son pays natal, l'Ethiopie. Gerima se considère comme
             un autodidacte, malgré plusieurs années d'études de cinéma à l'université
             de Californie à Los Angeles. Contrairement à Med Hondo, les films que
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