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Clyde Taylor / Afrique, le dernier cinéma 263
Les films du Malien Souleymane Cissé, formé à Moscou (comme
Sembène et Sarah Maldoror), ont trouvé une forme qui se situe quelque
part entre les paraboles étendues de Sembène et les stratégies de perturba-
tion de Med Hondo et Haile Gerima. Ses deux films les plus récents et
les plus populaires, Baara / Le Porteur (1979) et Finye / Le Vent (1982),
sont totalement exempts des clichés du cinéma occidental. Les histoires se
déroulent naturellement, et donc de manière surprenante à travers de nom-
breuses vies, mais sont déclenchées par des jeunes gens idéalistes qui ten-
tent d'apporter des changements dans une société où l'inégalité de la richesse
et de la pauvreté est protégée par de puissants aînés.
Baara suit un travailleur itinérant, un peu comme le chauffeur de
Borom Sarret, à travers les diverses rondes quotidiennes de Bamako. Il se
lie d'amitié avec un compatriote, un jeune ingénieur qui lui offre un emploi
dans son usine. Le propriétaire de l'usine assassine simultanément sa femme
pour infidélité et fait assassiner le jeune ingénieur pour ses tentatives de
syndicalisation de l'usine. Dans Finye, deux jeunes étudiants dérangent leurs
aînés et la paix générale, non seulement parce que leur amour dépasse les
clivages de classe, mais aussi en raison d'un combat commun avec d'autres
étudiants, contre l'inégalité. Leur amour et leur engagement ne sont que
renforcés par leur emprisonnement.
La recherche d'un langage cinématographique authentiquement
africain reste une quête commune des grands cinéastes africains. Cette re-
cherche a déjà porté ses fruits en créant des films qui ne ressemblent dis-
tinctement à ceux d'aucune autre culture. Elle a également conduit la plupart
de ces cinéastes, y compris ceux dont nous avons déjà parlé, à utiliser la
tradition orale africaine comme matrice créative. Ce fondement a soutenu
les films qui se concentrent sur les cadres pastoraux, les transitions du vil-
lage à la ville, et les explorations, même caustiques des anciennes méthodes.
Safi Faye (Sénégal) ouvre son film le plus récent, Fad Jal (1979),
par ces mots désormais célèbres: « en Afrique, un vieil homme qui meurt
est une bibliothèque brûlée ». Alors que le narrateur raconte l'histoire de
son village aux jeunes garçons de sa famille, les événements sont reconsti-
tués. Simultanément, des questions se posent quant à la relation du village
avec l'État en termes de propriété et de contrôle des terres. Des questions