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documentaires et deux longs métrages, Estas Sao as armas / These Are the
Weapons et Mueda: Mémorial et massacre. Le premier est un documentaire
de compilation sur le renversement du colonialisme. Il expose de fascinantes
images d'archives du Mozambique colonisé et des séquences de la révolution
en action, obtenues par Robert Van Lierop, le réalisateur noir américain qui
a notamment réalisé A Luta continua / The Struggle Continues et O Pavo or-
ganizado / The People Organized sur la révolution. Estas Sao as armas est
une récupération émouvante de l'histoire contemporaine qui est singulière en
tant que représentation faite par des africains noirs de leur libération réussie.
Mueda est un film inhabituel qui revêt une importance particulière.
Ruy Guerra, vétéran brésilien du cinema nova, a dirigé le tournage d'une
pièce de théâtre folklorique qui est jouée chaque année dans le village de
Mueda. Juste avant que la révolution armée n'éclate, des mozambicains poli-
tisés sont entrés dans ce village situé près de la frontière de la Tanzanie récem-
ment indépendante. Ils ont réclamé leur propre indépendance, mais ont été
emprisonnés par les administrateurs coloniaux portugais locaux. Ils ont néan-
moins continué à venir, éveillant la conscience des villageois qui se sont fina-
lement soulevés contre les colonisateurs, avant d'être massacrés. Mais leur
rébellion a ajouté une étincelle à l'éruption libératrice à venir.
Mueda offre une vision provocante de ce que peut être un cinéma po-
pulaire, ou un cinéma folklorique révolutionnaire, entièrement libéré des styles
de divertissement à but lucratif. Humble dans ses valeurs de production (il a été
décrit comme étant plus gris et blanc que noir et blanc), il capture des effets de
distanciation étonnants logés dans la pièce folklorique. Des entretiens avec des
participants aux événements originaux, entrecoupés de reconstitutions, contri-
buent à la réalisation d'un modèle inédit de cinéma démystificateur que les ci-
néastes occidentaux progressistes ont désespérément cherché à découvrir.
Le destin du cinéma africain est en jeu alors que les cinéastes s'orga-
nisent avec persévérance pour trouver des solutions aux problèmes écono-
miques, à une infrastructure sous-développée et à la distribution. Cette
organisation a été hautement stratégique avec les résolutions Naimey de 1983,
qui mettent l'accent sur la coopération régionale en matière de production, de
postproduction et de distribution, ce qui exigera un nouveau niveau d'intérêt
personnel éclairé de la part des gouvernements nationaux. Mais quel que soit
le sort de la production et de la distribution futures, qui pourrait aussi empirer,
du point de vue de l'étudiant éveillé et actif des films, l'Afrique n'est plus le
désert cinématographique que George Sadoul voyait il y a 25 ans .
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