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Clyde Taylor / Afrique, le dernier cinéma                    267

          des anthropologues . C'est une ethnographie plus valable, non seulement parce
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          que les africains parlent d'eux-mêmes des deux côtés de la caméra, une cir-
         constance que Jean Rouch applaudit, mais aussi parce que ces films ne sup-
         priment pas les considérations pressantes de la politique et de l'économie, dont
         l'absence fait des représentations de l'Afrique une simple collecte de souvenirs.
         Il s'agit d'une ethnographie plus précise parce que ces films décrivent le pas-
         sage de l'Afrique entre les étapes fanoniennes vers la décolonisation.

                 L'Afrique du Sud est, sans surprise, la source des films d'Afrique noire
         les plus réprimés et les plus militants en faveur de la libération. En Azanie, en
         Afrique du Sud, la population noire majoritaire se voit refuser la formation et
         la possibilité de réaliser des films qui reflètent leur vie, meurtrie par le système
         de l'apartheid. Selon Molefe Pheto, des films de gangsters et d'aventure ex-
         ploitants sont réalisés pour le public noir par des groupes de cinéma blancs,
         en utilisant des acteurs noirs pour faire office de réalisateurs. Il rapporte que
         le dramaturge Gibson Kente a été placé en isolement pendant six mois en tant
         que producteur d'un film anodin qui devait être réalisé à partir de sa pièce How
         Long. Dans le même temps, conscients de l'importance des médias visuels, les
         Sud-Africains noirs continuent à préparer des scénarios et à se former du mieux
         qu'ils peuvent, tant à l'intérieur de la nation qu'en exil.

                 De nombreux longs métrages et documentaires ont été réalisés sur la
         situation en Afrique du Sud, naturellement, mais ils ne sont pas réalisés par
         des Sud-Africains. Une exception importante est Last Grave at Dimbaza,
         tourné clandestinement et coréalisé par Nana Mahomo, un exilé sud-africain
         vivant en Angleterre. Les tombes de nourrissons morts de malnutrition dans
         les « homelands » arides, où de nombreux Sud-Africains ont été jetés par les
         politiques d'apartheid constituent le point de départ moral de Last Grave. Il
         s'agit d'une mise en accusation impressionnante du schéma totalitaire de do-
         mination blanche de l'Afrique du Sud.
                 L'Angola et le Mozambique offrent des vues révolutionnaires de l'au-
         tre côté du colonialisme portugais déchu. Considéré comme le pays le mieux
         équipé et le plus productif des deux, l'Angola a montré peu d'intérêt pour la
         diffusion de ses films en dehors de ses frontières. La révolution angolaise reste
         donc surtout connue au cinéma à travers Sambizanga.
                 Peu après l'indépendance, le Mozambique a créé un institut cinéma-
         tographique modeste mais déterminé, qui a produit plusieurs courts métrages
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