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Clyde Taylor / Afrique, le dernier cinéma 257

Pour situer les grands thèmes, réalisateurs et films du cinéma afri-
cain, il est bon de rappeler un schéma proposé par Frantz Fanon à l'aube
des indépendances africaines. Fanon considérait que « l'intellectuel indi-
gène » traversait trois phases:
(1) une phase assimilationniste, pendant laquelle l'intellectuel reste un ani-
mal de compagnie passif des colonisateurs;
(2) une phase mémorielle où l'intellectuel fait une redécouverte plutôt abs-
traite et synthétique de ses racines dans la culture nationale;
et (3) une phase combative entièrement plongée dans la lutte de libération,
où la littérature devient le chant du combat.

Appliquant ces trois phases au cinéma africain, le théoricien du ci-
néma Teshome Gabriel identifie la première avec l'imitation du style et de
la substance des films hollywoodiens; la deuxième avec une lutte pour
l'identité culturelle et la troisième avec un cinéma dans lequel les films et
autres formes d'art sont explicitement reconnus comme une idéologie.

La deuxième phase domine notre attention ici, car c'est dans le do-
maine de l'après-indépendance, des circonstances néocoloniales que la plu-
part des films africains notables sont réalisés. Il s'agit d'une zone centrale,
pivotante, qui contient des éléments des deux autres phases dans un équili-
bre tendu et instable, où les contradictions et les frustrations sont les plus
apparentes.

De manière appropriée, cette phase centrale fournit le scénario du
thème dominant du cinéma africain: le conflit entre l'ancien et le nouveau.
Il ne s'agit jamais d'un conflit entre des opposés symétriques, mais plutôt
du choix entre le moderne, l'individualiste et l'industriel, le socialisme
marxiste et une certaine forme de socialisme africain. Comment faire la part
des choses entre ces valeurs africaines anciennes et solides et les éléments
régressifs de la tradition africaine, et entre les deux et les déstabilisations
culturelles du colonialisme ?
La collision entre l'ancien et le nouveau apparaît fréquemment dans
les films qui suivent le voyage du protagoniste du village rural à l'enchevê-
trement urbain, ou de l'Afrique à l'Europe. Dans les deux cas, le physique
est le signe d'un passage spirituel. Le rôle de la médecine traditionnelle par
rapport à la médecine moderne pose un autre conflit entre le nouveau et