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                     Une explication raisonnable de l'écart entre la septième et la dou-
             zième année est l'impact cumulatif de la télévision et de la consommation
             de films.

                     Bien plus importants pour les cinéastes africains, sont les change-
             ments dans le contrôle de la production et de la distribution qui n'ont guère
             répondu à leurs aspirations. C'est la prise de conscience que l'indépendance
             politique et l'indépendance cinématographique sont étroitement liées qui
             donne au cinéma africain émergent une ambiance politique très chargée.
             Le nombre de films produits par les nations colonisées dans le monde est
             négligeable (Hong Kong étant une exception particulière). Mais ceux qui
             se sont mis en tête d'encadrer des images africaines authentiques après les
             cérémonies de descente du drapeau qui ont signifié l'indépendance, ont vite
             constaté que les ressources matérielles nécessaires étaient presque entière-
             ment hors de portée des africains, et se sont organisés pour résister à la
             croissance des industries cinématographiques indigènes.
                     L'importation de films étrangers est contrôlée par les cartels de dis-
             tribution américains. L'exemple français est une bonne illustration de leur
             puissance. Au moment de l'indépendance, deux sociétés françaises, SECMA
             et COMACO, dominent la distribution francophone par un double mono-
             pole. Elles traitaient avec les propriétaires de salles africaines sur la base
             du tout ou rien, ne leur laissant aucun choix dans la sélection des films. Il
             s'agissait traditionnellement des films les plus trash, des films ratés rarement
             vus dans les pays métropolitains. Par conséquent, la production cinémato-
             graphique africaine est découragée parce que les distributeurs monopolis-
             tiques peuvent « écouler » les films réalisés ailleurs à des prix de location
             bien inférieurs à ceux que les films nationaux pourraient se permettre de
             demander.
                     La Haute-Volta (aujourd’hui Burkina Faso) a réagi à cette situation
             unilatérale en 1970 en nationalisant ses cinémas. Le conglomérat français
             a immédiatement imposé un boycott, fermant ses salles. Un effort coura-
             geux pour obtenir des films d'autres sources n'a pas permis de combler le
             vide et un compromis a été trouvé, laissant la sélection des films entre les
             mains des sociétés françaises. D'autres tentatives de nationalisation de la
             distribution ont donné des résultats similaires, à l'exception de la Guinée
             qui, sous un gouvernement marxiste-léniniste, a réussi à résister aux mo-
             nopoles.
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