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Clyde Taylor / Afrique, le dernier cinéma                    251

          un champion de l'art libéré et de l'Afrique libérée, trahi par une mise en
          scène sournoise dans l'ignominie de Sanders of the River (1935). Dans le
          rôle de Bosambo (fils de Samba ?), la caméra filme Robeson qui traîne les
          pieds et sourit obséquieusement à « Sandi », la représentante de la famille
         de l'artiste. La Couronne anglaise, elle toute seule est capable de rétablir
         l'ordre à partir d'une rébellion chaotique et de l'installer comme roi du peu-
         ple de la rivière.

                 Les cinéastes africains d'aujourd'hui.  Qui ont regardé Sanders et
         ses semblables dans leur jeunesse, ont évolués dans un environnement ci-
         nématographique en constante mutation. Il s'agit principalement du passage
         du colonialisme au néocolonialisme ou de la domination directe de l'Europe
         à la domination indirecte de l'Europe et des États-Unis. Car dans le même
         temps, l'amérique est devenue une superpuissance dans le monde du ci-
         néma, ainsi que dans la politique mondiale. L'Afrique se trouve aujourd'hui
         à l'autre bout du spectre par rapport à Hollywood. Si les américains consi-
         dèrent le cinéma du point de vue d'une production et d'une distribution ren-
          tables et monopolistiques, l'Afrique est un laboratoire pour l'étude de la
          relation du film à la société du point de vue de la production et de la distri-
          bution.

                 Parce que le Hollywood d'après-guerre a commencé à dépendre de
         la distribution étrangère pour plus de la moitié de ses bénéfices, il a mis en
         sourdine les caricatures grossières des étrangers qui étaient monnaie cou-
         rante auparavant. Dans les années 1950, la Motion Picture Producers As-
         sociation (MPPA) a commencé à visionner systématiquement les scénarios
         afin de filtrer les éléments les plus choquants. Ainsi, les épisodes télévisés
         les plus récents de Tarzan se déroulent désormais dans un pays natal ano-
         nyme et tropical, peuplé de personnes vaguement équatoriales. Mais les ré-
         sultats de ces modulations ont été limités ; selon une étude de 1968 citée
         dans Africa on Film and Videotape 1960-1981:
            «Les élèves de douzième année (pourcentage entre parenthèses) sont plus nom-
            breux que les élèves de septième année à attribuer à l'Afrique les termes sté-
            réotypés suivants: sorciers (93%), animaux sauvages (91%), tambours (91%),
            lances (90%), sauvages (88%), tribu (88%), indigènes (86%), cannibales (85%),
            pygmées (84%), fléchettes empoisonnées (82%), nus (78%), huttes (69%), su-
            perstition (69%), primitifs (69%), missionnaires (52%), étranges (44%), arriérés
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            (43%), illettrés (42%), pas d'histoire (38%)  ».
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