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             Théoriser le cinéma africain:
             le discours cinématographique africain
             contemporain et ses mécontentements


             Esiaba Irobi


                 'une des principales critiques formulées à l'encontre de la recherche
             L  contemporaine sur le cinéma « africain  » est que nous mettons trop
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                 l'accent sur les difficultés sociales, politiques et économiques
                 auxquelles sont confrontés les cinéastes « africains » au lieu de nous
                 engager dans la  théorie  ou,  du  moins,  d'établir  un  cadre  théorique
                 indigène dans lequel nous pouvons redéfinir les constructions et les
                 défis esthétiques auxquels les cinéastes « africains », les critiques de
                 cinéma et les enseignants « africa-  nistes » du cinéma « africain »
                 doivent faire face au XXI  siècle. À mon avis, un réexamen approfondi
                                       e
                 des stratégies scientifiques,  qui  associent la  critique  théorique  et
                 discursive à l'intervention pragmatique et créative, est nécessaire si le
                 cinéma « africain » doit surpasser la médiocrité commerciale actuelle
                 d'hollywood et apporter des contributions durables au cinéma mondial et
                 à son langage filmique de la même manière que les cinéastes d'autres
                 cultures,  comme la Chine:  Adieu,  ma  concubine  (de  Chen  Kaige,
                 1993); le Japon:  Dreams  (de  Akira  Kurosawa, 1990); Nouvelle-
                 Zélande: Once Were Warriors (de lee Tamahori, 1994); et le Canada:
                 Atanarjuat / The Fast Runner (de Zacharias Kunuk, 2000), l'ont fait
                 dans une perspective sémiologique résolument non occidentale  .
                                                                         2
                     Dans cet article, je  veux  examiner certains  des principaux  pro-
             blèmes « intellectuels » auxquels sont confrontés les chercheurs en cinéma
             africain, tant sur le continent qu'à l'étranger, contextualiser l'énormité et la
             complexité de toute tentative de théorisation du cinéma africain, redéfinir
             l'expression «théorie » d'un point de vue sémiologique et épistémique afri-
             cain, et, surtout, interroger ce que le terme « théoriser » signifie à l'intérieur
             et à l'extérieur de l'académie occidentale aujourd'hui. Mon intention pre-
             mière dans cette entreprise est de révéler les fondements politiques du terme
             « théoriser », même lorsqu'il est utilisé de manière inoffensive comme lan-
             gage académique pour encourager un plus grand dialogue entre l'académie
             occidentale et les intellectuels africains qui négocient des discours nouveaux
             et complexes sur les formes d'art culturelles hybrides, telles que le cinéma.
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