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occidentaux, cet appétit à consommer l'intelligence culturelle, le travail in-
tellectuel et les langues des autres peuples, la bombe culturelle . Je l'ap-
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pelle les crocs de l'histoire.
J'écris donc en partant du principe que tous les chercheurs en
sciences humaines du monde entier savent qu'il n'existe aucune culture vi-
vante qui n'ait pas de théories sur ses propres processus culturels et son tra-
vail artistique. La nature et la structure formelle d'une théorie ont beaucoup
à voir avec la sensibilité épistémologique particulière de ses créateurs et la
fonction de la théorie dans la culture donnée et son histoire. Baudrillard
l'exprime ainsi :
Il ne suffit pas que la théorie décrive et analyse, elle (la théorie) doit elle-même
être un événement dans l'univers qu'elle décrit. Pour ce faire, la théorie doit par-
ticiper à cette logique et en devenir l'accélération. Elle doit s'arracher à tout ré-
férent et ne s'enorgueillir que de l'avenir. La théorie doit opérer sur le temps au
prix d'une distorsion délibérée de la réalité (occidentale)... qui a séparé beau-
coup de choses de leur nature et de leur origine mythique afin de les inverser
dans le temps. Aujourd'hui, il faut les arracher à leur histoire et à leur fin pour
retrouver leur énigme, leur chemin réversible et leur destin .
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Foucault aborde la même question dans une teneur plus subversive:
Le rôle de la théorie aujourd'hui n'est pas de formuler la théorie systématique
globale qui maintiendrait tout en place, mais d'analyser la spécificité des mé-
canismes de pouvoir, d'en repérer les connexions et les prolongements, de
construire peu à peu un savoir stratégique (sauveur)... la théorie est à construire
comme un instrument, une logique de la spécificité des relations de pouvoir et
des luttes qui les entourent... cette investigation ne peut se faire que pas à pas sur
la base d'une réflexion (qui sera nécessairement historique dans certains de ses
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aspects) sur des situations données .
Ce qu'il faut donc, à notre époque, dans le contexte de la situation
africaine, c'est oser inclure les théories africaines indigènes des arts visuels,
plastiques et performatifs, dans leur forme originale, en tant que langues
vernaculaires africaines, dans le vocabulaire théorique du discours cinéma-
tographique mondial. Ici, le suivi du contexte africain, en d’autre terme.
Chez les Ibibios du Nigeria, il existe un corps d'écriture visuelle et
idéographique, distinct des hiéroglyphes égyptiens, totalement déconnecté
de l'orthographe ou de la typographie européenne, indigène et hermétique-
ment africain dans sa création et sa fonctionnalité, qui peut être considéré
comme un trope exemplaire ou une construction théorique possible pour la
réalisation et l'étude du cinéma sur le continent. Cette forme unique de co-