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africain extrêmement complexes comme le cinéma (qui, à sa manière, in-
corpore presque tous les autres arts) en termes largement descriptifs, histo-
riques, généralisés et parfois vagues de « globalisation/postmodernisme »,
doivent être clairement comprises :
L'académie occidentale reste la seule source de validation pour le chercheur
africain... Nos titres de compétences dépendent en premier lieu de la base ini-
tiale de notre formation préalable, qui est fondée sur des matériaux exclusive-
ment occidentaux... Personne ne s'attend à ce qu'un universitaire américain (ou
européen) sache quoi que ce soit sur l'Afrique... sauf peut-être, en tant que spé-
cialiste. Mais un universitaire africain qui n'a que des bases élémentaires et une
familiarité avec le contenu occidental de sa discipline a peu d'espoir de pro-
gresser dans sa profession. Cette observation est valable même en Afrique au-
jourd'hui .
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Abiola Irele, l'auteur de cette citation, tirée de l'essai immensément
significatif « The African Scholar », poursuit en soulignant comment la si-
tuation ci-dessus conduit à un discours académique apparemment « inau-
thentique » ou « illégitime » sur la productivité culturelle et intellectuelle
africaine, tant pour les universitaires africains sur le continent que pour ceux
qui sont en exil économique en Occident:
Le langage et les concepts que nous utilisons sont étrangers, de sorte que nous
commençons avec un désavantage marqué dans notre apprentissage au sein de
la profession. Et parce que ce langage, ce corps de concepts, n'a pas été généré
dans notre environnement, nous n'avons pas d'autre choix que de produire ce
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qui est finalement un discours dérivé .
Le cinéma africain face à la théorie et discours cinématographiques
occidental
Peut-être que dans aucun autre domaine des arts africains la dicho-
tomie théorique entre la pratique et son discours n'est plus prononcée que
dans le cinéma, une forme dont l'instrument principal est techniquement
européen mais dont les produits africains sont souvent des récits hybrides
et des montages sémiologiques de nos expériences vécues à l'étranger et
sur le continent. Ces expériences sont le reflet des vies mélangées que nous
avons dû vivre depuis 1885, décrivant les phases de 500 ans d'acculturation
entre l'Europe et l'Afrique. Cette situation, à première vue, fait qu'il est dé-
courageant pour tout chercheur africain d'oser dire que nous n’avons pas
des théories du cinéma sur le continent. Pourtant, en réalité, nous en avons,
car dans pratiquement toutes les sociétés et cultures africaines que j'ai étu-
diées, il existe des terminologies théoriques indigènes claires pour les arts
visuels, plastiques et performatifs .
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