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Teshome H. Gabriel / Vers une théorie critique               361

          Phase III - La phase combative

                 L'industrie : Le cinéma en tant qu'institution de service public. Dans
         cette phase, l'industrie n'appartient pas seulement à la nation et/ou au gou-
         vernement, elle est également gérée, exploitée et dirigée pour et par le peu-
         ple. On peut également parler d'un cinéma de participation de masse, mis
         en scène par des membres de communautés parlant des langues indigènes,
         qui épouse la polémique de Julio García Espinosa sur « Un cinéma impar-
         fait », selon laquelle, dans un monde en développement, la perfection tech-
         nique et artistique dans la production d'un film ne peut être un but en soi  .
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          Un certain nombre d'institutions sociales du cinéma dans le tiers-monde,
          certaines clandestines comme le « Cine Liberación » argentin et d'autres
          soutenues par leurs gouvernements, par exemple, « Chile Films » du gouver-
          nement socialiste de l'Unité populaire d'Allende, illustrent cette phase. Deux
         institutions industrielles qui illustrent également ce niveau sont l'Office Na-
         tional pour le Commerce et l'Industrie Cinématographique (ONCIC) algérien
         et l'Institut d'Art et d'Industrie Cinématographiques (ICAIC) cubain.

                 Le thème: Vies et luttes des peuples du tiers monde. Cette phase
         marque la maturité du cinéaste et se distingue de la phase I ou II par son in-
         sistance à considérer le film dans ses ramifications idéologiques. Un très
         bon exemple est La terre promise de  Miguel Littin, un récit mythique
         quasi-historique  sur le  pouvoir  et la  rébellion,  qui peut  être  considéré
         comme faisant référence aux événements du Chili d'aujourd'hui. De même,
         son dernier film Alsino et le Condor combine réalisme et fantaisie dans le
         contexte du Nicaragua déchiré par la guerre. L'image d'Une voie ou une
         autre, de la regrettée Sara Gómez Yara, d'une boule de fer s'écrasant sur
         les vieux bidonvilles de La Havane, dépeint non seulement la question des
         femmes et de la race dans le Cuba d'aujourd'hui, mais symbolise également
         la nécessité d'une nouvelle prise de conscience pour remplacer le vieil esprit
         oppressif du machisme qui persiste dans le Cuba socialiste. Le film Soleil
         Ô, du cinéaste mauritanien Med Hondo, aidé par le processus des thèses
         fanoniennes, parvient à la reconnaissance d'un héritage oublié en montrant
         l'amalgame des déterminants idéologiques de l’ « humanisme » européen,
         du racisme et du colonialisme. L'échec du colonialisme à convertir les afri-
         cains en « Noirs pensant blanc » décrit dans le film réapparaît sous une
         forme symbolique beaucoup plus large dans son film ultérieur, West Indies,
         où tout le panthéon de la domination et de la libération se déploie dans un
         navire symbolique du bateau négrier d'antan.
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