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             Fanon, et à la falsification de la véritable nature de la culture en tant qu'acte
             ou agent de libération. Par conséquent, à moins que cette phase, qui prédo-
             mine dans les pratiques cinématographiques du tiers-monde aujourd'hui, ne
             soit considérée comme un processus, un passage vers l'étape suivante, elle
             pourrait se transformer en efforts opportunistes et créer une confusion cul-
             turelle. C'est ce qu'a brillamment souligné le Colombien Luis Ospina dans
             son film autoréflexif Picking on the People, dans lequel il critique la nature
             exploitante de certains cinéastes du tiers-monde qui colportent la pauvreté
             et la misère du tiers-monde dans les festivals d'Europe et d'Amérique du
             nord et qui ne considèrent pas leur métier comme un outil de transformation
             sociale. Le film Pixote d'Hector Babenco, salué par la critique internatio-
             nale, en est un excellent exemple. Selon un correspondant du Los Angeles
             Times à Rio de Janeiro, Da Silva, le jeune garçon qui jouait le rôle-titre du
             film, a été payé 320 dollars seulement. Le correspondant écrit: « Dans un
             drame réel, un juge pour enfants de Diadema, une banlieue de Sao Paulo, a
             libéré la semaine dernière Da Silva, qui a maintenant 16 ans, et l'a remis à
             la garde de sa mère après son arrestation pour effraction et vol.  « Selon la
             mère de Da Silva, qui gagne sa vie en vendant des billets de loterie », après
             un voyage à Rio où il n'a pas trouvé de travail, il m'a dit: « Maman, ils m'ont
             oublié, je suis fini ». Entre-temps, M. Babenco, le désormais célèbre réali-
             sateur, était sur le point de tourner son prochain long métrage, Le baiser de
             la femme araignée, en collaboration avec des producteurs d'hollywood  .
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                     Le style: Certaines tentatives d'indigénisation du style cinémato-
             graphique sont manifestes. Bien que les conventions stylistiques dominantes
             de la première phase prédominent encore ici, il semble qu'il y ait une ten-
             dance croissante à créer un style de film approprié aux nouvelles préoccu-
             pations thématiques. À cet égard, l'insistance croissante sur la représentation
             spatiale plutôt que sur la manipulation temporelle caractérise les films de
             cette phase. Le sens de l'orientation spatiale dans le cinéma du tiers-monde
             découle de l'expérience d'un monde « sans fin » de la grande masse du tiers-
             monde. Cette nostalgie de l'immensité de la nature se projette dans la forme
             du film, ce qui se traduit par de longues prises et des plans longs ou larges.
             Cela fait souvent partie de la symbolisation globale d'une orientation thé-
             matique tiers-mondiste, c'est-à-dire que le paysage représenté cesse d'être
             une simple terre ou un sol et acquiert une qualité phénoménale qui intègre
             les humains au drame général de l'existence elle-même.
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