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Stephen A. Zacks / La construction théorique du cinéma africain   355

          tout que nous envisagions de réviser ou de rejeter la question « qu'est-ce
          qui est authentiquement africain »? En tant que critiques, nous devons abor-
         der les textes avec l'idée de récupérer plus qu'une représentation correcte
         de l'Afrique, et pour ce faire, nous devons avant tout accepter la façon dont
         l'histoire intellectuelle a laissé son empreinte sur notre compréhension à la
         fois des sociétés africaines et des textes eux-mêmes. Cela devient essentiel
         pour évaluer la véritable originalité du cinéma africain, car l'accusation iné-
         vitable selon laquelle le cinéma africain est fondé sur des constructions ou
         des styles supposés dérivés d'une tradition occidentale parvient encore trop
         souvent à réduire les produits culturels africains; la rencontre entre l'Afrique
         et l'Europe continue de se jouer sur la base des mêmes règles dans lesquelles
         l'Afrique sert de faire-valoir aux prétentions universalistes de l'occident.
                 Ce que l'on identifie comme authentiquement africain doit appa-
         remment exclure l'Européen et se placer en opposition à lui pour légitimer
         son autorité. Mais ce jeu d'exclusion et d'opposition, basé sur la prémisse,
         si omniprésente que même lorsqu'elle est reconnue comme erronée, elle
         exerce toujours son influence, que l'Europe est le centre et l'origine de toute
         culture, invalide  par avance  les  textes africains  comme  inauthentiques;
         comme les poststructuralistes aiment à le dire, même la réaction à l'autre
         est définie par les limites du discours de l'autre. Une enquête sur les termes
         dans lesquels le problème de l'authenticité est posé peut nous aider à com-
         prendre les façons dont les constructions utilisées pour évaluer les produits
         culturels africains continuent à nous renvoyer sur le site du conflit colonial,
         avec ses oppositions coloniales presque épuisées. Nous attendons toujours,
         cependant, l'émergence  de ce discours  africaniste  dont  l'autorité  sera
         construite de telle sorte qu'il n'aura plus besoin de se dire africain.

            Stephen Zacks est un journaliste, critique d'architecture, urbaniste et organisateur
            basé à New York. Fondateur de l'organisation d'art et de design socialement en-
            gagé Flint Public Art Project, il est titulaire d'une licence en sciences humaines
            interdisciplinaires de l'État du Michigan et d'une maîtrise en études libérales de
            la New School for Social Research. Il a été rédacteur à Metropolis, écrit réguliè-
            rement pour Dwell Abitare, L'Architecture d'Aujourd'hui, Oculus, Architect's
            Newspaper et Brownstoner, et a reçu des prix de la Warhol Foundation, Creative
            Capital, ArtPlace, Graham Foundation, National Endowment for the Arts, Mac-
            Dowell Colony, NY State Council on the Arts et le Newtown Creek Fund

          notes :
          Publié à l'origine sous le titre Stephen Zacks, « The Theoretical Construction of African Cinema », Re-
          search in African Literatures 26, no. 3 (automne 1995) : 6-17.
          1. G. W. F. Hegel, The Philosophy of History (New York : Dover, 1956), 93.
          2. V. Y. Mudimbe, African Gnosis ", African Studies Review 28, no 2-3 (juin/septembre 1985) : 150.
          3. Voir Teshome Gabriel, Third Cinema in the Third World : The Aesthetics of Liberation (Ann Arbor,
         MI : UMI Research Press, 1982) ; Fernando E. Solanas et Octavio Getino, «Toward a Third Cinema»,
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