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                     L'indice individu/groupe repose à nouveau sur une compréhension
             de la réalité en termes de différence fondamentale entre l'Occident et le
             Tiers-Monde: dans les films hollywoodiens, « le personnel et le social sont
             tous intériorisés dans le protagoniste individuel », alors que dans les films
             africains « l'espace, le décor et la structure du groupe... opèrent à un niveau
             collectif  ». Bien qu'Armes évite de privilégier certains films ou de faire
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             des prescriptions, le même principe de différence est sous-jacent à l'ap-
             proche néo-structuraliste, déguisé, malgré une discussion plus consciem-
             ment fondée  sur la  théorie.  Sa démarche  fondamentale,  qui consiste à
             interpréter l'autre pour un public occidental, est porteuse de présupposés
             qui, peut-être inévitablement, « inventent » le colonisé.

                     African Cinema de Manthia Diawara (1992), est probablement le
             texte le plus difficile à situer dans les trois positions critiques que j'ai dé-
             crites, en partie à cause de son incohérence, en particulier l'incohérence du
             dernier chapitre sur « Le cinéma africain aujourd'hui » par rapport aux
             modes de critique utilisés dans le reste du livre. Dans l'ensemble, African
             Cinema offre une perspective historique extrêmement précieuse sur le ci-
             néma africain. diawara souligne l'importance des facteurs politiques locaux
             et régionaux, en particulier ceux produits par le colonialisme, pour com-
             prendre le contexte de la production cinématographique africaine, et semble
             suivre l'appel de Teshome Gabriel en faveur d'une évaluation des cinémas
             non occidentaux en fonction de leurs histoires, contextes et systèmes de
             production spécifiques. Il examine attentivement les restrictions systéma-
             tiques imposées aux différentes régions dans le cadre des traditions colo-
             niales, missionnaires et anthropologiques du cinéma, ainsi que la création
             de fédérations, d'organisations, de festivals et de systèmes de production
             nationaux pour promouvoir la production africaine.

                     Sa construction de l'Afrique ne renforce pas la compréhension de
             l'histoire du cinéma africain comme le lieu d'une opposition politique es-
             sentielle entre l'occident et l'Afrique, mais relativise plutôt les différents co-
             lonialismes et leurs pratiques et produits spécifiques en fonction des effets
             de régimes et de sphères d'influence particuliers. L'approche pourrait être
             qualifiée d'historiciste moderniste dans la mesure où elle participe à cette
             relativisation du récit historique, dépolarisant les aspects politiques en fa-
             veur de l'engagement, non pas de la scène de la lutte anticoloniale, mais du
             contexte historique comme un point d'entrée précieux dans une compré-
             hension significative des textes et des contraintes imposées par le sous-dé-
             veloppement. Au moment où la narration arrive au film contemporain, il
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