Page 361 - Livre2_NC
P. 361

352                      FESPACO/BLACK CAMERA/INSTITUT IMAGINE 12:2

                     Certaines similitudes apparaissent néanmoins au sein des divisions
              tripartites, indiquant une construction théorique essentiellement inchangée.
                    La catégorie du réalisme social de Diawara, comme la phase d'as-
              similation sans réserve de Gabriel, est caractérisée par des films qui utili-
              sent la musique, la romance et la comédie pour divertir le public. Diawara
              décrit cette catégorie comme une forme populaire en raison de sa capacité
              à s'identifier au public de la classe ouvrière, alors que Gabriel dénigre cette
               forme comme un cinéma régressif, capitaliste et identifié à l'Occident. Il
              s'agit là d'un geste significatif de la part de Diawara, qui resitue en fait la
              culture populaire comme valide dans le contexte africain, alors que Gabriel
             la rejette d'emblée.
                     La catégorie « retour aux sources » de Diawara, caractérisée par
             l'absence de polémique, comprend des films qui examinent les conditions
             précoloniales africaines par rapport aux problèmes postcoloniaux et des
             films qui s'efforcent de développer un langage cinématographique africain
             distinctif. Elle est presque identique à la « phase du souvenir » de Gabriel,
             décrite comme un effort d'indigénisation de l'industrie et du style cinéma-
             tographique, favorisant le conflit narratif entre le passé et le présent. Ga-
             briel fait un éloge conditionnel de cette deuxième catégorie, tandis que
             Diawara ne privilégie ni ne rejette cette catégorie de films.
                     Enfin, la catégorie « Confrontation coloniale » du cinéma africain
             correspond étroitement à la « phase combative » de Gabriel, qui renvoient
             toutes deux à une catégorie de films jouant sur l'opposition initiale entre le
             tiers-monde/l'Afrique et l'occident/hollywood, bien que la catégorie de Dia-
             wara soit un peu plus étroite que celle de Gabriel; ce dernier inclut dans
             cette phase non seulement l'effort de lutte contre le néocolonialisme, mais
             la tentative de rendre explicites les représentations idéologiques anticapi-
             talistes.
                     Plus importantes  que  les  similitudes  entre  les catégories  telles
             qu'elles ont été construites par Gabriel et Diawara sont les marges entre
             les divisions tripartites. La contradiction entre l'interprétation néo-marxiste
             et moderniste du cinéma réaliste/populaire/assimilationniste, caractérisée
             par le problème de comprendre adéquatement La Vie est Belle ( de Mwezé
             Ngangura et Benoît Lamy, 1987, République démocratique du Congo) ou
             Une saison blanche et sèche, par exemple, comme adhérant strictement aux
             catégories réaliste ou assimilationniste, occidentale ou africaine, signale
             une caractéristique problématique essentielle de la construction de catégo-
             ries pour décrire le cinéma du tiers-monde et africain  . Ce qui est en jeu,
                                                             22
             c'est plus que la différence entre les positions de deux critiques par rapport
             aux objectifs politiques et idéologiques du cinéma ou de la critique, ou le
   356   357   358   359   360   361   362   363   364   365   366