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Julianne Burton fait partie des nombreux critiques qui ont souli-
gné l'importance de mettre en avant sa relation critique avec le texte, en es-
sayant de résister à l'assomption de nombreuses catégories et oppositions
qui confinent les pratiques critiques . La suggestion de Burton est qu'un
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rejet de la logique étriquée par laquelle la théorie occidentale est considérée
comme antithétique à une pratique authentique du tiers-monde, et une ap-
propriation plus consciente de la théorie occidentale profiteraient aux théo-
riciens et aux cinéastes du tiers-monde en élargissant les possibilités des
cinéastes et en permettant une culture cinématographique plus sophistiquée.
Tomás Gutiérrez Alea dit quelque chose de similaire dans son ouvrage
« The Viewer's Dialectic », bien que formulé dans des constructions
marxistes très familières .
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Il devient de plus en plus évident, à mesure que les cinéastes africains conti-
nuent à se libérer des contraintes idéologiques du marxisme et de l'essen-
tialisme africain, et à incorporer de plus en plus d'influences d'origines
indéterminées, que le critique, à son tour, aura besoin d'un ensemble d'outils
différents. Les critiques seront certainement stimulés dans cette direction
par Hyènes (1992, Sénégal) de Djibril Diop Mambéty, une adaptation
d'une pièce de théâtre moderniste Suisse (La Visite de Friedrich Dürrenmatt)
transposée dans le Sénégal contemporain .
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En effet, les œuvres de Djibril Diop Mambéty (Touki Bouki 1973), (Le
Franc enfin Hyènes 1992) semble souvent aller à contre-courant de l'im-
pératif africaniste, pour la raison que ses films s'attachent à étudier les re-
lations humaines dans toute leur complexité . Son sujet implicite, l'africain
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regardant vers l'occident, est toujours représenté avec un regard caustique
sur la complicité idéologique des acteurs sociaux, qui sont néanmoins consi-
dérés avec sympathie en fonction de leur position dans la société. Il est pro-
bable qu'avec des systèmes de distribution appropriés et des modes de
valorisation adéquats, un tel corpus d'œuvres pourrait être plus pleinement
apprécié dans le système culturel mondial.
Nous pourrions dire que les textes africains exerçant une influence
sur la culture mondiale existent déjà à une échelle limitée, limitée davantage
par les systèmes de distribution et de production que par des contraintes
idéologiques ou des incapacités techniques inhérentes et que la question de
ce qui est authentiquement africain dans le cinéma devient de plus en plus
anachronique à la lumière de ce moment émergent. Le syncrétisme culturel
a toujours été présent dans toute l'Afrique, mais il a apparemment été re-
couvert par les dichotomies ahistoriques de la modernité .
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Les textes divergents du cinéma mondial africain nécessitent avant