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Stephen A. Zacks / La construction théorique du cinéma africain 351
devient clair que Diawara a rendu les films appropriables comme des textes
dont les significations peuvent être approchées avec des outils moins an-
thropologiquement fondés que ce que le néo-structuraliste présume, et
moins emphatiquement politiquement motivés que ceux du néo-marxiste.
Un défaut majeur de son approche, cependant, est que son compte
rendu détaillé de la production et des institutions ne parvient pas à fournir
au lecteur qui s'attend à une connaissance générale des textes africains un
sens du contenu des films eux-mêmes. Bien que Diawara passe des géné-
ralisations du Troisième Cinéma de Gabriel à une étude plus nuancée de
régions africaines spécifiques, il ne parvient pas à évaluer les textes eux-
mêmes dans le contexte historique qu'il présente, de sorte que l'on reste
avec l'impression erronée que les textes africains eux-mêmes sont sous-dé-
veloppés. Le dernier chapitre, intitulé « Le cinéma africain aujourd'hui »,
tente d'aborder provisoirement cette question. Dans ce chapitre, il détache
les films de leur contexte institutionnel et les aborde en fonction de trois
groupes thématiques.
Diawara indique une « diversification thématique », mais au lieu
de caractériser ces thèmes dans un schéma métathéorique et d'accorder une
authenticité à certains thèmes, il considère les films historiquement, en uti-
lisant les thèmes narratifs généraux pour indiquer les tendances dominantes.
Sa description devient particulièrement apolitique lorsque les discours sur
le colonialisme et l'analyse historique des institutions cèdent la place à des
discussions sur les productions cinématographiques individuelles, indigènes
et nationales :
Il est clair qu'il existe de nombreuses images de l'Afrique, et il semble trivial
d'attendre des cinéastes de différentes générations, de différents pays et de dif-
férentes tendances idéologiques qu'ils voient partout la même Afrique. Il n'est
donc pas dans mon intention de trier les modes de représentation qui sont bons
et ceux qui sont mauvais .
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Il observe les motivations politiques des cinéastes mais évalue
« chaque mouvement narratif dans le contexte de ses propres modes de pro-
duction ». Diawara ne se dispense pas, cependant, de la construction tri-
partite traditionnelle utilisée par les partisans d'un Troisième Cinéma,
Solanas et Getino, et à leur suite Gabriel, qui ont constitué le Troisième
Cinéma comme la troisième des trois phases progressivement plus libéra-
trices du cinéma mondial. Les trois catégories de Diawara modifient de
manière sensible les implications politiques que Gabriel assigne aux trois
phases du cinéma du tiers monde, évaluant les textes selon leur « cohérence
dans le discours particulier qu'ils choisissent de déployer ».
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