Page 360 - Livre2_NC
P. 360

Stephen A. Zacks / La construction théorique du cinéma africain   351

          devient clair que Diawara a rendu les films appropriables comme des textes
         dont les significations peuvent être approchées avec des outils moins an-
         thropologiquement fondés que  ce que  le  néo-structuraliste présume, et
         moins emphatiquement politiquement motivés que ceux du néo-marxiste.
                 Un défaut majeur de son approche, cependant, est que son compte
         rendu détaillé de la production et des institutions ne parvient pas à fournir
         au lecteur qui s'attend à une connaissance générale des textes africains un
         sens du contenu des films eux-mêmes. Bien que Diawara passe des géné-
         ralisations du Troisième Cinéma de Gabriel à une étude plus nuancée de
         régions africaines spécifiques, il ne parvient pas à évaluer les textes eux-
         mêmes dans le contexte historique qu'il présente, de sorte que l'on reste
         avec l'impression erronée que les textes africains eux-mêmes sont sous-dé-
         veloppés. Le dernier chapitre, intitulé « Le cinéma africain aujourd'hui »,
         tente d'aborder provisoirement cette question. Dans ce chapitre, il détache
         les films de leur contexte institutionnel et les aborde en fonction de trois
         groupes thématiques.
                 Diawara indique une « diversification thématique », mais au lieu
         de caractériser ces thèmes dans un schéma métathéorique et d'accorder une
         authenticité à certains thèmes, il considère les films historiquement, en uti-
         lisant les thèmes narratifs généraux pour indiquer les tendances dominantes.
         Sa description devient particulièrement apolitique lorsque les discours sur
         le colonialisme et l'analyse historique des institutions cèdent la place à des
         discussions sur les productions cinématographiques individuelles, indigènes
         et nationales :
            Il est clair qu'il existe de nombreuses images de l'Afrique, et il semble trivial
            d'attendre des cinéastes de différentes générations, de différents pays et de dif-
            férentes tendances idéologiques qu'ils voient partout la même Afrique. Il n'est
            donc pas dans mon intention de trier les modes de représentation qui sont bons
            et ceux qui sont mauvais  .
                                 20
                 Il  observe  les  motivations  politiques  des  cinéastes  mais  évalue
         « chaque mouvement narratif dans le contexte de ses propres modes de pro-
         duction ». Diawara ne se dispense pas, cependant, de la construction tri-
         partite  traditionnelle  utilisée par  les partisans  d'un Troisième  Cinéma,
         Solanas et Getino, et à leur suite Gabriel, qui ont constitué le Troisième
         Cinéma comme la troisième des trois phases progressivement plus libéra-
         trices du cinéma mondial. Les trois catégories de Diawara modifient de
         manière sensible les implications politiques que Gabriel assigne aux trois
         phases du cinéma du tiers monde, évaluant les textes selon leur « cohérence
         dans le discours particulier qu'ils choisissent de déployer  ».
                                                            21
   355   356   357   358   359   360   361   362   363   364   365