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La phase combative, dans laquelle se produisent les déterminants
historiques de la culture du tiers monde, nous fournit l'horizon final d'un
cinéma orienté vers une coexistence pacifique avec la culture populaire. Le
fait que la tradition orale se réaffirme sur un nouveau support est une contri-
bution non seulement aux sociétés du tiers monde mais aussi au monde du
cinéma en général. Le cinéma est une nouvelle langue pour le tiers-monde
et sa grammaire n'a été définie que récemment.
Sa direction, cependant, semble être une utilisation discursive du
médium et un appel à l'appréciation intellectuelle. Tomás Gutiérrez Alea il-
lustre peut-être le mieux cette nouvelle prise de conscience lorsqu'il dit :
Si nous voulons que le film serve à quelque chose de plus élevé, si nous voulons
qu'il remplisse plus parfaitement sa fonction (esthétique, sociale, éthique et ré-
volutionnaire), nous devrions garantir qu'il constitue un facteur de développe-
ment des spectateurs. Le film sera plus fructueux dans la mesure où il poussera
les spectateurs vers une compréhension plus profonde de la réalité et, par consé-
quent, dans la mesure où il les aidera à vivre plus activement et les incitera à
ne plus être de simples spectateurs face à la réalité. Pour ce faire, le film doit
faire appel non seulement à l'émotion et au sentiment, mais aussi à la raison et
à l'intellect. Dans ce cas, les deux instances doivent être indissolublement unies
(sic), de telle sorte qu'elles en viennent à provoquer, comme le disait Pascal,
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d'authentiques « frissons et tremblements de l'esprit ».
Teshome H. Gabriel (24 septembre 1939 - 14 juin 2010) était un spécialiste
du cinéma américain d'origine éthiopienne, professeur à l'UCLA School of
Theater, Film and Television de Los Angeles. Gabriel était considéré comme
un expert du cinéma et des films d'Afrique et du monde en développement. Un
collègue de l'UCLA, Vinay Lal, a noté que Gabriel était « l'un des premiers
chercheurs à théoriser de manière critique le cinéma du tiers monde ».
notes:
Publié à l'origine sous le titre Teshome H. Gabriel, Towards a Critical Theory of Third World Films , Critical
Interventions : Journal of African Art History and Visual Culture, vol. 5, no. 1 (2011) : 187-203.
1. F. Fanon, The Wretched of the Earth (New York : Grove Press, 1963), 207-48. Voir aussi A. Cabral,
Return to the Source (New York : African Information Service, 1973), 42-69.
2. J. DeOnis, Pixote role proves all too real', Los Angeles Times, 5 juin 1984.
3. J. Espinosa, « Pour un cinéma imparfait », dans Twenty-five Years of the New Latin American Cin-
ema, ed. M. Chanan (Londres : BFI/Channel 4 Television, 1983), 28-33.
4. R. Gerber, Glauber Rocha, Cinema, Politica e a Esthetica do Inconsciente (Brésil : Editora Vozes,
1982), 34 et passim.
5. G. Rocha, Revolucao do Cinema Novo, (Rio de Janeiro : Alhambra/Embrafilme, 1981), 467.
6. D'après un catalogue de films intitulé Films about Africa available in the Midwest (Madison : African
Studies Program, University of Wisconsin, 1974), 37.
7. Africa on Film and Videotape, 1960-81 : A Compendium of Reviews (East Lansing, Michigan :
African Studies Center, Michigan State University, 1982), 219.
8. Il faut reconnaître que l'avenir de la critique et de l'appréciation de l'art réside sans aucun doute dans
le domaine de la recherche sémiotique. Actuellement, si sa plus grande vertu réside dans l'attention
qu'elle accorde au rôle du lecteur, sa plus grande faiblesse est sa fixation culturelle sur la pensée occi-
dentale. Les esthétiques et les cultures du tiers-monde ont été ignorées, ce qui l'empêche d'occuper la