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David Murphy / Les Africains filment l’Afrique               383

         mental et non réaliste ; le film de Sembène est profondément politique et
          satirique; et Yeelen utilise une structure mythique pour explorer le rôle du
          savoir et du pouvoir dans la société bambara.

                 Le deuxième objectif de cet article est étroitement lié au premier :
          à savoir, aborder la réception critique des films africains, en se concentrant
         en particulier sur le rapport de la critique occidentale au cinéma africain.
         Un grand nombre de critiques, tant africains qu'occidentaux, ont soutenu,
         avec plus ou moins de subtilité et depuis des points de vue différents, que
         le critique occidental moderne continue d'être prisonnier de la vision hégé-
         lienne du monde qui imagine l'Afrique comme un « autre » primitif et in-
         compréhensible. Je suis tout à fait d'accord avec ceux qui soutiennent que
         le critique occidental doit être sensible aux différentes valeurs culturelles
         lorsqu'il traite de la culture africaine. Cependant, suivre des théoriciens tels
         que Christopher Miller qui demandent aux critiques d'interpréter la culture
         africaine d'un « point de vue authentiquement africain, en interprétant l'ex-
         périence africaine en termes africains, en percevant plutôt qu'en projetant »
         est une toute autre affaire  . Dans le cadre de cet article, j'argumenterai
                                  4
          contre toutes les notions d' « authenticité », quel que soit leur fondement
          philosophique ou idéologique : à mon avis, il n'y a pas d'Afrique « authen-
          tique », pas plus qu'il n'y a d'occident « authentique ». Cet article abordera
          également les questions soulevées par la théorie postcoloniale, en examinant
          leur pertinence pour l'interprétation non seulement du cinéma africain, mais
          aussi de la culture africaine contemporaine en général.
                 Dans le cadre de cet article, j'argumenterai contre toutes les notions
         d’« authenticité », quel que soit leur fondement philosophique ou idéolo-
         gique : à mon avis, il n'y a pas d'Afrique « authentique », pas plus qu'il n'y
         a d'occident « authentique ». Cet article abordera également les questions
         soulevées par la théorie postcoloniale, en examinant leur pertinence pour
         l'interprétation non seulement du cinéma africain, mais aussi de la culture
         africaine contemporaine en général. L'Afrique subsaharienne ayant été l'une
         des dernières régions du monde à produire ses propres images cinémato-
         graphiques, il n'est probablement pas surprenant que les critiques se soient
         appliqués si facilement à la manière dont un « vrai » cinéma africain devrait
         se distinguer des autres cinémas. Pour certains critiques occidentaux, l'émer-
         gence du cinéma africain a été la source d'une grave déception. Ces critiques
         ne savaient pas exactement à quoi ce cinéma devait ressembler, mais ils sa-
         vaient qu'ils voulaient qu'il soit radicalement différent de tout ce qui avait
         été fait auparavant.
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