Page 178 - LES FLEURS DE MA MEMOIRE BIS
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J’étais là, n’y croyant plus, émerveillée devant cette vieille vitrine
poussiéreuse, d’un cordonnier qui vendait quelques articles
classiques, mais ne présentait aucun modèle de saison, et je pensais
que peut-être je trouverais mon bonheur, en ultime tentative de mes
recherches infructueuses.
Mon désespoir fit place à la persévérance récompensée. Je venais
de dénicher un vieux stock invendu de spartiates et autres sandales
en cuir de couleur brune et poussiéreuses. Je vérifiais les pointures
allant du 37 au 41, et je décidais, sous l’air étonné et satisfait du
commerçant, d’acheter tout le stock, paiement en espèces, sans
hésitation aucune. Il venait de faire une bonne affaire, et moi
également, emportant plus d’une vingtaine de paires à moindre frais.
Pour faire disparaître le côté désuet des sandales, j’eus une idée
géniale selon les moyens qui relevaient de l’urgence. J’achetais des
bombes de peinture, et j’eus la chance d’en trouver de couleur or et
argent. Je monopolisais le studio où j’étalais toutes les chaussures sur
des journaux recouverts d’une grande toile, sur le sol, puis après
avoir ouvert toutes les fenêtres, je passais la bombe, or ou argent sur
la totalité des chaussures. Il était devenu impossible d’entrer dans le
studio qui empestait la teinture pendant pratiquement 48 heures,
mais peu importe, la mission était accomplie.
Les spartiates eurent un succès fou sur le podium et inutile de
vous dire que l’été suivant, le tout Saint-Tropez était chaussé de
spartiates d’or ou d’argent, devenues la grande tendance de l’été,
toujours d’actualité et rebaptisées « Tropéziennes » !
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