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un courrier les invitant à venir découvrir de visu le cabinet ou s’était installé Fabien, et la
maison de St-Gy où vivait désormais leur fils. Une semaine ou deux après l’envoi de ma
lettre, quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre par la bouche de Fabien, seulement vingt-
quatre heures avant qu’ils n’arrivent, que mon invitation avait été acceptée ! C'est avec
beaucoup d'appréhension, d'angoisse et de questionnements que j’allais pour la première fois
voir en chair et en os, rencontrer et recevoir chez nous les parents de mon mari. Comment
allaient-ils se présenter alors que, certainement, ils devaient avoir à mon égard mille et un
préjugés ? Comment allait se passer cette première rencontre ?
Pour leur arrivée, je dressai une table comme j’en avais le secret. J’élaborai avec art un repas
gastronomique dans lequel rien ne devait être laissé au hasard. Il fallait que tout soit parfait si
je voulais avoir une chance de conquérir le cœur de ceux qui auraient préféré ne jamais
connaître une telle situation.
Cette première visite fut un succès inespéré. Les parents de Fabien furent enchantés par mon
accueil et tombèrent littéralement sous mon charme ; je sus leur faire saisir une part de ma
personnalité totalement différente de ce qu'ils avaient imaginé et entendu dire sur moi. Mon
savoir-vivre, ma délicatesse comme ma féminité firent merveille à leurs yeux. Soulagée,
heureuse et fière d'avoir pu me faire aimer, apprécier, respecter et accepter par mes beaux-
parents à la fin de leur premier séjour chez nous, j’étais aux anges. S'ensuivirent d'autres
invitations de leur part dans leurs différentes propriétés familiales.
Un jour, alors que nous avions été invités dans l’une de leurs propriétés, une belle maison de
maître en Haute-Marne, département qui garde la mémoire d’illustres personnages : le général
de Gaulle à Colombey-les-Deux-Eglises, Voltaire à Cirey-sur-Blaise, Diderot à Langres…. je
me retrouvai seule avec ma belle-mère dans l’immense cuisine de cette belle demeure, dont
l'ensemble des murs et la décoration étaient restés d’origine. Cette pièce importante de la
maison avait gardé tout son charme et sa noblesse d’autrefois. L’âtre de grandes dimensions
qui pouvait accueillir d’énormes troncs crépitait joyeusement, quand, au cours de notre
conversation, alors que nous préparions le repas du soir, je fis en toute candeur allusion à mon
mariage. L’effarement, le malaise, la stupéfaction que je lus sur le visage de mon
interlocutrice me convainquit alors que mes beaux-parents n’avaient jamais été mis au courant
par leur fils de notre union officielle. Cet ahurissant pot aux roses, dévoilé ce jour-là,
constitua le prélude à d’autres désillusions du même genre que m’infligea Fabien, souvent
menteur par omission. Mais est-ce vraiment mentir que d'oublier de transmettre une
information, si personne ne nous a posé la question ?
Emerveillés, mes beaux-parents avaient découvert Le Loup blanc en pleine exploitation,
établissement pour lequel, au départ, personne n'aurait investi un sou. Devant ce succès, mon
beau-père s'était déclaré prêt à financer l'amenée et l'installation de l'électricité à l'auberge.
Dans un premier temps, il me remit solennellement un chèque qui permettrait de peaufiner les
aménagements intérieurs. On peut imaginer la joie que je ressentis, tant pour le cadeau lui-
même que pour la reconnaissance et la confiance qu’il symbolisait ! A mon tour, je remis en
toute confiance le précieux papier dans les mains de Fabien, censé le déposer à la banque.
Mais voilà : quand quelques mois plus tard les ennuis financiers commencèrent pour moi, de
ce si précieux chèque offert par son père, remis de mes mains à son fils, personne ne retrouva
jamais la moindre trace…
Dans la lancée des déconvenues, quel ne fut pas mon étonnement lorsque j’appris que des
fournisseurs et partenaires n’avaient pas été payés, que les comptes du Loup blanc étaient à
découvert ! Compte tenu de la manière dont les affaires prospéraient, c’était tout simplement
impensable ! Que s’était-il passé ? Les possibilités de détournements n’étaient pas illimitées
et il fallut bien se rendre à l’évidence. Non content de me dévaloriser, de m'écraser, de me
ridiculiser, Fabien ponctionnait mon compte commercial, omettant délibérément d’y verser
l’argent des recettes du Loup blanc. Maintenant, il s'acharnait aussi à détruire tout ce que
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