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détriment d'une prostitution classique de qualité, vantée dans le monde entier. Jusque-là, la
               Suisse s'était toujours démarquée des autres pays.
               Violence, vulgarité, seins à l'air et quasi nudité : ces nouvelles arrivantes engendrèrent toutes
               sortes de trafics périphériques qui allaient régner en maîtres, faisant du trottoir un territoire
               ennemi,  que  je  quittai  définitivement,  sans  aucun  regret,  malgré  la  vie  de  misère  qui
               m'attendait.
               L’année où débuta la guerre en Tchétchénie, où un massacre sans précédent scinda à jamais le
               Rwanda  entre  Hutus  et  Tutsis,  je  décidai  désormais,  en  toute  conscience,  de  savourer
               simplement  ma  vie,  « en  souvenir  de  tant  de  choses,  vécues,  assassinées,  recommencées,
               espérées, perdues. Tout, malgré nous, au-delà, et plus loin que tout et que toujours. » comme
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               me l’avait écrit mon indéfectible amie Grisélidis Réal.  Parvenue au fond de l’abîme, je pris
               le parti de vivre encore, heureuse et sereine, des quelques miettes qui me restaient. Après ce
               parcours  de  vie  chahuté,  avec  ses  apothéoses,  ses  abysses,  ses  déchirements,  c'est
               paradoxalement seulement à partir de ces années-là que, sans regret ni rancune, dépossédée de
               tout, je trouvai la paix, la liberté intérieure, un amour fou pour la vie.
               Les  disparus  de  ce  récit  comme  ceux  que  je  n’ai  pas  évoqués  m’ont  à  jamais  laissé  leur
               empreinte. Ils vivent et  vivront en moi jusqu'à l'heure de ma mort, journellement présents,
               comme  une  multitude  d'anges  gardiens,  qui  certainement  m’ont  protégée  et  me  protègent
               encore aujourd'hui.
               « De combien d’écorchures, de combien de blessures et d’humiliations a-t-il fallu se délivrer
               pour s’élancer enfin, libres comètes éblouissantes, dans le firmament noir des artistes, où nous
               brûlons  comme  des  astres  d’or ?  Nos  corps,  nos  âmes  en  gardent  à  jamais  le  douloureux,
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               glorieux stigmate indélébile. »











































               33 REAL G ; Dédicace personnelle de La passe imaginaire du 27 juin 1992.
               34 REAL G ; Dédicace personnelle du Carnet de bal d'une courtisane du 2 mars 2005.
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