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endroit. Confortablement assise dans mon véhicule, je pouvais observer le manège des allées
et venues de ma clientèle d’habitués et d’inconnus, attendant toujours qu’ils viennent à moi.
Je ne racolais ni ne montais sous aucun prétexte dans la voiture d’un client, qu’il fût connu ou
non. L’affaire conclue, j’invitais l’homme à monter à bord de mon auto et l’emmenais jusqu’
au studio, que les clients surnommaient eux-mêmes « le petit écrin des délices ».
Depuis quelques jours, j’avais remarqué qu’une Citroën DS Pallas stationnait chaque soir à
quelques mètres de moi. L’homme assis au volant de cette voiture observait mes va-et-vient
avec une insistance énigmatique. A chacun de mes allers retours, l’homme était toujours là, à
me dévorer des yeux pendant des heures. Jamais je n’avais encore connu pareille situation.
Les deux premiers soirs, je pensai que cet original se lasserait et finirait bien par s’en aller.
Mais les jours passaient et rien n’y faisait ; inévitablement, chaque soir, je le retrouvais garé à
la même place que la veille. Cette présence se faisait toujours plus oppressante, inquiétante
voire terrifiante. Quelles étaient les intentions réelles de cet individu dans la quarantaine, qui,
à première vue, présentait bien ? N’avait-il rien d’autre à faire que de stationner là, à
m’observer, me surveiller, m’assaillir de son regard des jours et des heures durant ?
Un soir, la coupe fut pleine. Je ne supportais plus de venir travailler sous le poids de ces yeux
inquisiteurs qui me détaillaient on ne peut plus précisément de manière obsessionnelle. N’en
pouvant plus, exaspérée, je sortis de ma voiture et abordai avec vigueur mais courtoisie
l’individu pour le moins particulier qui était planté là depuis des jours. Arrivée à sa hauteur, je
lui demandai : « Qu’attendez-vous ici ? » Laconique, il me proposa de prendre place dans sa
voiture pour que nous fassions connaissance. Contrairement à mes principes, spontanément et
contre toute attente, me surprenant moi-même, j’acceptai sa proposition. Et pour la première
fois, charmée par les paroles douces, tendres et convaincantes de cet inconnu, je me laissai
sans résistance conduire par lui jusqu’au studio, abandonnant ma voiture sur place. Le trajet
se fit en silence. Après avoir parqué sa voiture juste devant l’entrée de l’immeuble, il me fit
signe de ne pas bouger, avant de sortir le premier pour venir galamment m’ouvrir la portière
avant que je sorte. Me trouvant face à lui, je constatai que l’homme était très grand, me
dominant d’une bonne tête... et d’apparence soignée. Une fois à l’intérieur, sans que j’aie eu
le temps de demander quoi que ce soit, il déposa sur la table basse du petit salon une
imposante liasse de billets. Puis il exprima son désir de bavarder avec moi, précisant qu’il
n’attendait pas forcément un quelconque acte sexuel. Installé dans l’un des petits fauteuils
crapauds, qui, vu sa taille, devait lui être très inconfortable, il se présenta.
Bernard était cuisinier, propriétaire de l’un des restaurants phares de la ville, marié et père de
deux fillettes. Pendant qu’il parlait sans discontinuer, il me buvait du regard, m’expliquant
qu’il avait été subjugué par moi dès le premier jour où il m’avait aperçue sur le boulevard. Il
me dévoila aussi que, ne sachant pas comment me révéler sa passion soudaine, son amour,
son attirance incontrôlable pour moi, paralysé à l’idée d’essuyer un refus, il venait m’admirer,
attiré comme par un aimant, en fantasmant sur ses désirs les plus fous sans oser m’aborder.
Après quelques heures passées ensemble, Bernard me raccompagna à ma voiture, me faisant
promettre de rentrer chez moi et de ne pas ressortir : je n’en demandais pas plus… Après cette
rencontre étrange, je restai dubitative et troublée.
Le lendemain, je respirai : il n’était pas là. Il revint toutefois le surlendemain, exprimant, par
son attitude respectueuse, les mêmes sentiments que l’avant-veille, besoin irrépressible de se
raconter, de me déclarer son amour, que je pensais n’être qu’une fantaisie. Ce n’est qu’à la
troisième ou la quatrième rencontre que, n’en pouvant plus de ces déclarations sans fin, je lui
proposai de se mettre à l’aise, de s’allonger quelques instants. En le caressant pour la
première fois, je fus immédiatement frappée par le grain de sa peau, trop lisse, trop molle,
trop flasque à mon goût, une peau distendue que je ne touchais qu’avec réticence. Comble de
malchance, les particularités anatomiques de l’un comme de l’autre, un sexe démesuré pour
lui, un vagin étroit et pas vraiment très profond pour moi, rendaient définitivement tout
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