Page 12 - C:\Users\Pauline\Documents\Flip PDF Professional\Composition1\
P. 12

La biologie de la différence :

                            l’apparition du concept de « ménopause »




              Michel Foucault classe la période de l’Age classique du milieu du 17  jusqu’au début du 19 . Cette
                                                                                                           e
                                                                                    e
       époque renvoi à une épistémè marquée par la représentation. Les logiques d’analyses et de méthodes des
       penseurs influents de l’époque, tels que Descartes, Hobbes ou Leibniz, participent à ce tournant philosophi-
       que et scientifique. Ici est exclue la ressemblance comme « expérience fondamental et forme première du
       savoir, dénonçant en elle un mixte confus qu’il faut analyser en termes d’identité et de différence, de mesu-
       re et d’ordre » (Foucault, 1966 : 65). Toute ressemblance sera soumise à l’épreuve : la comparaison, « c’est-à

       -dire qu’elle ne sera admise qu’une fois trouvée, par la mesure, l’unité commune, ou plus radicalement par
       l’ordre, l’identité et la série des différences » (Ibid : 69). La mécanisation, la rationalisation et la mathéma-
       tisation du monde participent à mettre en ordre des signes, à travers la représentation verbale. C’est dans le
       nom que se loge « la possibilité et le principe d’une taxinomie générale de la représentation » (Ibid : 132).

       C’est par lui que le discours s’articule sur la connaissance. Autrement dit, l’histoire naturelle se construit
       sur la nomination, permettant une taxinomie.
              L’émergence de la catégorie ménopause est à comprendre dans ce contexte. C’est en 1812 que Char-
       les De Gardanne propose la notion de ménespausie dans son ouvrage « avis aux femmes qui entrent dans

       l’âge critique ». Un grand nombre de termes sont utilisés pour désigner l’arrivée en vieillesse : « époque cri-
       tique », « mort du sexe », « âge de retour », etc.  De Gardanne, lui, plaide pour un seul mot.
              Le corps en tant qu’objet de savoir et élément de pouvoir, prend une importance considérable déve-
       loppement des connaissances médicales. Selon Laqueur, la ménopause est un des effets de la « fabrique du

       sexe » qui s’intensifie au 18 . La différence sexuelle n’est pas dominante dans la théorie des humeurs, la
                                    e
       question de la frontière mâle/femelle reste une question de degré, où la femelle est « une vision moindre du
       mâle, et non son opposé » où c’est un « corps unique qui est appréhendé ». (Charlap, 2015). Petit à petit, la
       femme devient un être totalement différent de l’homme, la distinction étant basé sur le corps et les fluides.

       Les menstrues vont devenir les fluides caractéristiques de la femelle.
                                  e
              Tout au long du 19 , de nombreux ouvrages vont traiter la ménopause comme expérience de trou-
       bles physiques et mentaux, de perte de féminité. On proclame l’abstinence sexuelle, afin d’éviter les mala-
       dies dû à la dégradation de leurs organes génitaux.



                                              La psychiatrie se développe au 19  en Europe. Certains praticiens vont
                                                                                e
                                              se pencher sur le cas de la ménopause, caractérisée par des pathologies
             Ménopause et                     mentales (Charlap, 2015) : « de la folie à la ménopause » (thèse médi-

             psychanalyse                     cal  publié  en  1884)  « psychoses  climatériques  (Journal  of  medical
                                              science, 1894), « de la mélancolie survenant à la ménopause » (thèse de
                                              médecine, Paris, 1884).

    Ce processus de pathologisation continu son chemin au 20 . Un « catalogue de pathologies » y est rattaché, le
                                                                e
    terme de ménopause « a renforcé la construction d’un ensemble de pathologies attribué à l’arrêt de la fonction de
    reproduction chez les femmes, somatiques et mentales » (Delanoe). D’après Emil Kraeplin, un des pionniers de la

    psychiatrie moderne, la ménopause entrainerait une dépression notamment la mélancolie : une « dépression d’in-
    volution ». L’hystérie était aussi une des pathologies associées à la ménopause.



                                                            12
   7   8   9   10   11   12   13   14   15   16   17