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La catégorie de « ménopause » est construite à travers le prisme de cette norme féminine. Dépourvue
       de leur capacité reproductive, les discours médicaux traitent le corps des femmes ménopausées comme pa-

       thologique, voire inutile. La ménopause est donc avant tout un changement de statut social.



           « La femme, en perdant la faculté de procréer,
                                                                           « Alors [en vieillissant] elle
              cesse de vivre pour l’espèce et prend une
                                                                          devient soi-même » (Michelet,
            existence individuelle et propre » (Lamaze,
                                                                              Cité par Diaso, 2012).
                       cité par Diaso, 2012),




               Mais ce peut aussi être interprété comme une perte de valeur sociale, particulièrement présent
        dans les discours des gynécologues et psychiatres du 20  siècle (Delanoë, 2001). En 1966 Robert Wilson,
                                                               e
        gynécologue, définit la femme ménopausée comme une femme sans valeur, misérable : « raides, fragiles,
        courbées, ridées et apathique, elles traversent en trébuchant leurs dernières années. (…) Femmes dé-
        sexuées, elles passent dans la rue sans qu’on les remarque et remarquent peu de choses elles-mêmes. ».
        Ou encore le psychiatre David Reuben (1969) : « ayant épuisé leurs ovaires, elles ont épuisé leur utilité

        en tant qu’être humain » (Ibid).



               Ces exemples démontrent en quoi le corps féminin est défi-
        ni et appréhendé à partir de la fécondité, et de son utilité dans le

        système  de  genre.  Toutes  femmes  auraient  un  « instinct  mater-
        nel »,  un  « désir  inconscient ».  Le  corps  féminin  existe  sociale-
        ment parce qu’il se retrouve en rapport avec un homme : la ma-
        ternité, la reproduction pour la nation, ou encore le mariage. « Le
        mariage  et  la  maternité  sont  les  antidotes  venant  sublimer  ce

        corps déjà en défaut » (David Le Breton cité par Chollet, 2018 :
        106).


               L’expérience de la ménopause, dans les discours médicaux,
        est marquée par une hétéronomie, niant les particularités, et en-
        trainant une « disqualification des femmes » dans leur rapport au
        corps. L’indenté se fonde et se conforme à des normes socialement instituées, afin de créer une cohérence
        entre le sexe, le genre, la sexualité et les désirs. C’est au quotidien, à travers des « pratiques régulatrices »

        que se réactualisent ces normes (Butler, 2005). Les pratiques non conformes apparaissent comme une ano-
        malie. Nous verrons dans les pages suivantes comment certaines femmes mettent à jour ces normes à tra-
        vers leurs pratiques, des « techniques de soi » et comment elles intériorisent les discours. Mais aussi, com-

        ment certaines développent des espaces de liberté et des pratiques alternatives.
               La ménopause, en tant que discours, et la façon dont les femmes expérimentent cette période de
        leur vie, réactualisent des normes de genres (Charlap, 2014a).







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