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Que pouvons-nous en tirer de ces discours, de leur évolution et de cette mise en science du
corps féminin vieillissant et pathologique ? Christine Théré le résume en une phrase : « Le corps fé-
minin appelle une surveillance médicale plus étroite que le corps masculin et l’accompagnement mé-
dical recommandé pour faire face à la « cessation des règles » (Théré, 2015) vient désormais étendre
et renforcer cette asymétrie entre les sexes. ». La ménopause est donc un construit social, une forme
de médicalisation que l’on perçoit à travers le cadre et les catégories médicales : des discours et des
pratiques qui produisent du genre, et construisent continuellement la figure de la femme ménopau-
sée, un « corps pathologique qu’il convient de maîtriser » (Charlap, 2014b).
La ménopause en tant que
gouvernementalité et
technique de soi Les premiers traités de la ménopause rattachent
cette période à « un moment de vérité de la
biographie féminine. Une ménopause réussie est l’aboutissement d’une bonne carrière d’épouse, de mère et de
travailleuse. » (Diaso, 2012). C’est-à-dire avoir fait des enfants, s’être instruite, avoir répondu aux tâches
domestiques, religieuse, etc. Les femmes ayant eu une vie conforme à ces normes auront donc plus de chances
de vivre une ménopause paisible. En effet, au 19 , cette période de la vie est relative à un « temps pour
e
soi » (Diaso, 2012). Mais cela demande une certaine discipline sur soi, physique et mentale, comme éviter de
trop manger, de laisser libre cours à son imagination, son irrationalité, ou encore limiter les activités
physiques trop importantes, telle que la danse. Il y a donc un « contrôle du temps dans la ménopause » : le
rythme de vie, les activités proscrites ou interdites, etc.
L’hormonothérapie est un exemple de « technique de soi ». Pour être au
plus proche de la norme ou « l’essence » féminine, certaines vont s’injecter
des doses d’hormones. Or ce « naturel » n’est pas biologique, mais bien so-
cial. Pour Cécile Charlap, l’hormonothérapie est un « processus de discipline
d’un corps « qu’on manipule, qu’on façonne » (Foucault 1975 : 160) afin
d’en gommer des manifestations construites comme indésirables. » (Charlap,
2015). Donc reproduire une norme de genre.
La philosophe Virginie Vinel interprète ces discours comme une institutionnalisation de la
consultation médicale, ce qui fait que la patiente se retrouve en rapport de dépendance envers les médecins et
les savoirs médicaux, les politiques publiques et les représentations sociales et culturelles que les patientes
reproduisent. Ces discours sont à la fois des dispositifs de contrôle, qui ne peuvent exister qu’à travers ce que
Foucault appelle « l’aveu », c’est-à-dire des productions de discours vrais sur soi-même. Vinel voit des
éléments de l’aveu dans la relation entre la patiente et son médecin, où celle-ci déballe sa vie et ses sensations
corporelle, ces symptômes. C’est le médecin qui va l’amener à les interpréter de telle ou telle manière. Une
fois avouée, la patiente se retrouve « étiquetée » comme femme en période de ménopause et donc change son
rapport au corps, à ses sensations. Ces formes de discours sur soi-même rendent l’individu dépendant d’autrui
(le récepteur de l’information) et modifieent le rapport à lui-même : « L’aveu est un acte verbal par lequel le
sujet se place dans un rapport de dépendance à l’égard d’autrui » (Ibid).
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