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L’anthropologue Margaret Lock (1996) a entreprit une étude comparée dans les années 1990 au
Japon et aux Etats-Unis chez des femmes ménopausées et leur rapport au corps, la manière dont
elles interprètent ce moment de leur vie. Cette étude donne à voir les différences culturelles, et
appuie l’hypothèse que la ménopause est une construction sociale.
LE DISCOURS MÉDICAL AUX ETATS-UNIS
En analysant les discours médicaux, elle constate qu’aux Etat-Unis, la ménopause renvoie à une
dégradation du corps, une forme de défaillance. Ménopause = défaillance des ovaires
Dans la littérature médicale (fin des années 80 et début 90) l’augmentation de la population féminine post-
ménopausée est vue comme un « coût » pour la société. Ces femmes seraient plus fragiles, plus enclines à des
maladies, notamment à l’ostéoporose. Ces discours s’immiscent dans des dimensions politiques, il est
indispensable de garder ces femmes en bonne santé pour qu’elles restent utiles. Les recherches scientifiques
pour développer des traitements sont traverser par des dimensions économiques, à travers un calcul risque /
avantage : préserver la santé des femmes à moindre coût, et faire en sorte qu’elles continuent à produire de
la richesse économique. Elles sont considérées comme responsables de leur choix de thérapie.
Par ailleurs, à cette époque, la majorité de la population prenait des œstrogènes pour lutter contre les
bouffées de chaleur (Ibid). On pourrait y voir une forme de gouvernementalité, les femmes ménopausées
développent un rapport à leur corps qui est médiatisé par des représentations diffusées dans la société. Ces
traitements sont des moyens pour « protéger les femmes » des effets des baisses d’œstrogènes. Donc leur
corps est abordé seulement à travers des données biologiques rationalisées, la ménopause est un fait
physiologique de dégradation, qu’il est nécessaire de combattre. Celles-ci sont suivies par des médecins, qui
se retrouvent en position de possesseurs des savoirs. C’est à travers eux que les femmes médiatisent leur
rapport à leur corps. Elles sont, en quelque sorte, démunies de leurs propres savoirs empiriques et sensibles.
En ce qui concerne le Japon, le pays connaît un contexte de vieillissement de la population. Depuis
les années 1970 des politiques publiques préconisent et encourager les familles à prendre soin de leurs
parents âgés. L’étude d’une sociologue japonaise, Fujin Hakuscho (1989) démontre qu’au final ce sont
surtout les femmes adultes qui sont touchées par ces politiques, ce sont elles qui s’occupent le plus des
personnes âgées.
Afin de comprendre au mieux comment les femmes japonaises vivent leur ménopause, il est nécessaire
d’avoir quelques éléments culturels, économiques et politiques concernant la société japonaise :
La « cellule familiale officielle » du Japon, composée de trois générations, est basée sur les valeurs
Modèle
traditionnelles de la famille. Ce modèle s’estompe au lendemain de la seconde guerre mondiale, mais
de l’ie certains aspects persistent. Ici, la femme est le pilier de la famille. Elle entretient la mémoire des
ancêtres et fait donc le lien entre les jeunes générations et les ancêtres.
Les politiques de l’Etat Moderne appuient leurs actions sur ces représentations traditionnelles, et font appel aux
femmes « en tant que groupe unifié » pour qu’elles prennent en main leur rôle
social dû à leur sexe dans l’ie. En encourageant les femmes à rester au foyer, le
gouvernement limite les dépenses de soins.
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