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Pour les Bobo au Burkina Faso, la stérilité L’anthropologue Meyer Fortes a analysé les
est considérée comme le symptôme d’une in- représentations de la stérilité chez les Ashantis au
fraction à la norme (ici aussi déséquilibre bio- Ghana. Celle-ci serait causée par une transgression
logique et social sont relatifs). Les femmes de jeunesse, en rapport à la sexualité. Avoir des
sans règles sont anormales, et traitées comme rapports avant sa puberté, c’est se considérer
des parias. Elles ne sont pas enterrées mais comme un adulte, sans avoir passé des rites
laissé à pourrir ou jeter dans une rivière, avec sociaux, ou sans avoir eu l’agrégation des parents
l’auriculaire et ou le petit doigt de pied préle- (surtout le père). La stérilité est vue comme une
vé, signifiant leur déviance. « sanction sociale », inscrite dans le corps.
Social De ce fait, on comprend que la stérilité est une rupture de l’ordre : biologique, sociale et
aussi météorologique. Le fonctionnement d’une société est basé sur cet équilibre, un
Météo désordre biologique correspond à un désordre social, et un désordre social peut entrainer
Biologique
un désordre biologique (maladie) ou climatique. Bref, ces trois dimensions sont
nécessaires à l’équilibre global de la société, et les individus mettent en œuvres
différentes pratiques pour réguler et maintenir de manière continu cet ordre.
Chez les Baruyas en Papouasie Nouvelle Gui- nent debout, qui chantent des chants d’hommes, qui
née, la cessation des menstrues, d’après Maurice Go- participent à des jugements, etc. Elles maitrisent par-
delier, est une sorte de rupture dans le rapport de do- faitement des tâches masculines et féminines à la fois.
mination entre les femmes et les hommes. Une femme Elles peuvent entreprendre sans le consentement de
a plus d’autorité quand elle n’est plus réglée. Plus de leur mari. Elles sont vues comme très active sexuelle-
libertés dans les paroles, dans les actions que les fem- ment mais personne n’ose leur faire de reproche car
mes menstruées n’ont pas. Le sang des menstrues est elles sont soupçonnées de sorcellerie. Ces femmes, ce
perçu comme un danger envers la puissance vitale des sont des « femmes à cœur d’homme ». Pour en être, il
hommes en contact avec leurs corps. Les femmes en faut avoir un certain statut social, une bonne condi-
périodes des menstruations sont priées d’aller se confi- tion économique et donc être mariée (parce que le ma-
ner en dehors de la société, afin qu’elles ne contami- riage permet l’accession à la richesse et aux positions
nent pas les hommes et ne perturbent pas l’ordre so- sociales élevées). Certaines le deviennent après plu-
cial. Ainsi, une femme n’ayant plus ses règles n’est sieurs mariages et héritages. Elles peuvent épouser
plus une menace et peut rentrer dans la logique du des femmes et « engager » des jeunes hommes qu’elles
pouvoir. Le changement physiologique renvoi à un dominent. La très grande majorité de ces femmes sont
changement de statut social. âgées. Sur 109 femmes mariées, 14 d’entre elles sont
des femmes à cœur d’homme, entre 45 et 90 ans (sauf
L’arrêt des menstrues n’est donc pas forcé- une de 32 ans).
ment connoté négativement. Un autre exemple le dé-
montre : chez les Indiens Piegans analysé par Oscar Ces différents exemples amènent à conclure sur le
fait qu’une femme stérile est toujours plus proche
Lewis en 1941, et repris par Françoise Héritier (1996).
d’un homme que d’une femme. Pour reprendre
Nous sommes ici dans une société patriarcale où l’i-
les termes de Françoise Héritier, c’est la fécondité
déal féminin est la soumission, la pudeur ou encore
« qui fait la différence réelle entre le masculin et
l’humilité. Sauf une catégorie qui est vue comme le féminin » et non le sexe (Héritier, 1996 : 230).
agressive, hardie, énergétique : des femmes qui uri-
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