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Est-ce que la ménopause est un concept universel ?
Comment les sociétés traduisent ces changements
physiologiques, en particulier l’arrêt des menstrues ?
Plusieurs recherches anthropologiques démontrent en quoi les représentations liées à l’arrêt des
menstrues sont le reflet des rapports sociaux de sexes. En effet, cette cessation physiologique donne à
voir la place sociale des individus catégorisés comme femme, et met « en jeu les catégories du féminin
et du masculin » (Charlap, 2015), et donc renvoi aussi à des questions de pouvoirs.
Le concept de ménopause tel qu’il s’est développé en Occident, et la façon dont il est défini, est loin
d’être universel. Simone de Beauvoir mais aussi un grand nombre de psychologue, ont enfermé ce
moment de la vie dans une expérience négative. Or, ces derniers n’ont pas
le recul de l’anthropologue, par exemple comme Margaret Mead, qui
distinguait plusieurs possibilités de vivre ces changements, compliqués à
paisibles. Il est donc nécessaire de séparer les réactions personnelles face à
l’arrêt des menstrues, et la réaction sociale, qui est un phénomène « de
nature et domination symbolique » (Delanoë, 2001).
C’est à travers quelques recherches anthropologiques que nous allons
aborder ces différentes représentations.
L’anthropologue Françoise Héritier a travaillé
sur de nombreuses sociétés concernant les
représentations liés à la fécondité.
Chez les Samos (Afrique de l’Ouest), le
statut de « femme » est acquis par la conception, donc une femme stérile n’est pas
une « vraie femme », et décèdera comme « suru » qui signifie « jeune fille »
immature, inhumée dans un cimetière pour enfants. Concernant les femmes aménorrhéique (absence de
règles), avant de les enterrer, leurs reins sont brisés, afin de ramener l’ordre. Car dans leur langue, les
premières règles signifient « reins brisés ». Une femme sans menstrues est un paradoxe, elle est considérée
comme figée dans l’enfance. Le sang, chez les Samo, est renvoyé au chaud. De ce fait, une femme sans règles
accumule la chaleur. Le fait de leur briser les reins pour les refroidir permet de rétablir l’équilibre.
L’équilibre social et l’équilibre biologique sont intimement imbriqués, indissociable.
Les femmes ménopausées aussi accumulent de la chaleur, et sont par ailleurs souvent soupçonnées de
sorcellerie.
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