Page 238 - Desastre Toxicomanie
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Le désastre des toxicomanies en France                                                                                                 Actions pédagogiques



                 Une mort brutale inquiète  moins que la longue consomption
                 des derniers mois des cancers laryngés et broncho-pulmonaires,
                 souvent extrêmement pénibles, alors que l’état de conscience intact
                 de leurs victimes leur permet de regretter ce qui les a conduits
                 à cette antichambre de la mort. Le spectre de la mort survenant
                 après une longue souffrance est souvent plus efficace que celui de
                 la mort, qui surviendra de toute façon un jour.
                   Les jérémiades souvent mises au service  de la  prévention
                 irritent. Parce qu’elles dérangent, parce qu’elles troublent, il est
                 tentant et commun de penser que ce que dit Jérémie est faux. La
                 victime potentielle retourne parfois la colère qu’elle nourrit contre
                 ses faiblesses, contre celui qui la prévient et l’informe (exercice
                 ingrat et rude que celui de préventeur).
                   Le cinéma, peu avare d’images dérangeantes, de violences, de
                 blessures, d’ébats sexuels, devrait se mettre au service de cette
                 prévention. Entre ce que l’on entend (le poids des mots) et ce que
                 l’on voit (« le choc des photos »), il y a un espace pédagogique
                 énorme à investir : poignante  la présentation  du marasme  du
                 drogué, pauvre épave humaine ; très parlante (si l’on ose dire)
                 l’aphonie du cancer du larynx et l’asphyxie des derniers mois de
                 la victime du cancer du poumon ou de la bronchopneumopathie
                 chronique obstructive ; saisissant l’abdomen énorme au bord de
                 l’explosion  sous la  pression de l’ascite  (collection  liquidienne
                 péritonéale) d’une cirrhose alcoolique ; effrayante la déchéance
                 physique et psychique du junky ; dérangeant le prurit féroce du
                 cocaïnomane  s’extirpant  de  la  peau  des parasites  imaginaires  ;
                 pitoyable l’état de l’héroïnomane en état de manque/d’abstinence
                 ; lamentable la conversation d’une bêtise affligeante entre fumeurs
                 de cannabis ainsi que leurs rires bêtes et, à distance, l’expression
                 du souvenir d’avoir « tutoyé les anges », d’avoir rebâti le monde
                 et accédé à des idées très novatrices dont ils sont, bien sûr,
                 incapables de se souvenir ; atterrant le désastre éducatif du fumeur
                 de cannabis, qu’on exprimera dans des formules compactes qui
                 peuvent marquer leur esprit embrumé : « le chichon ça rend con » ;
                 « pétard du matin,  poil  dans la  main,  pétard  du soir, trous de
                 mémoire » ; ou, plus poliment, « la fumette ça rend bête »...
                   Identifié comme un de ceux qui n’ont aucune complaisance pour


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