Page 37 - Desastre Toxicomanie
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Le désastre des toxicomanies en France               Drogues, toxicomanies, addictions



                   de les détenir, de les consommer. Sous cet angle les choses sont
                   claires, mais il est aisé de percevoir les limites de cette distinction ;
                   certains s’y emploient avec une belle voracité. Ils font remarquer
                   que  le  qualificatif  doux  a  un  caractère  rassurant  qui  peut  être
                   trompeur. De fait, le tabac, « drogue douce », tue 216 français
                   chaque jour ou, exprimé autrement, 79.000 de nos concitoyens en
                   meurent chaque année. Il est la première cause des morts évitables.
                   Ces  chiffres  sont  évidemment  la  rançon  de  son extraordinaire
                   diffusion liée à son caractère licite (treize à quatorze millions de
                   fumeurs en France).
                      L’alcool,  autre drogue licite,  fait  l’objet,  chez  la majorité
                   d’entre nous, d’un usage erratique  et modéré.  Néanmoins, il
                   recrute  plus de quatre  millions  de sujets alcoolo-dépendants  ;
                   c’est-à-dire de consommateurs incapables de se priver un jour par
                   semaine  d’une boisson alcoolique.  C’est dans cette  population
                   d’alcoolo-dépendants  que se recrutent  les alcooliques invétérés
                   (6 % de cette population) qui, à eux seuls, engloutissent près
                   du tiers de toutes les boissons alcooliques  consommées dans
                   notre pays. Chez ces individus, l’alcool se comporte comme une
                   « drogue dure ». L’instauration de l’abstinence doit impérativement
                   s’effectuer en milieu hospitalier, ou dans des cliniques spécialisées,
                   en  administrant  de  fortes  doses  de  benzodiazépines,  afin  de
                   prévenir les convulsions « a potu suspenso », avec le delirium
                   tremens, décrit d’une façon saisissante pour Coupeau, le mari de
                   Gervaise, dans « L’assommoir » (Émile Zola).
                      Une autre contradiction est représentée par la cocaïne, drogue
                   illicite,  ayant  un énorme  «  pouvoir  d’accrochage  »,  pouvant
                   déterminer  des troubles psychiques graves et qui, pourtant, ne
                   suscite pas de dépendance physique manifeste. C’est son pouvoir
                   d’accrochage  intense,  son potentiel  addictif  considérable  et ses
                   méfaits physiques et psychiques, qui fondent, au regard de la
                   législation, le statut de « drogue dure » qui lui a été attaché.
                      Une autre contradiction à une dualité tranchée entre « drogues
                   douces  »  et  «  drogues  dures  »,  réside  dans  le  continuum  qui
                   apparaît dans l’échelle des toxicomanies.
                      Cette dualité – « drogues douces » vs. « drogues dures » – est
                   devenue dérangeante chez ceux qui voulaient faire du cannabis


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