Page 34 - Desastre Toxicomanie
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Le désastre des toxicomanies en France                                                                                       Drogues, toxicomanies, addictions



                 l’intensité  initiale  de  son effet.  La  tolérance  est  parfois  décrite
                 sous le terme d’accoutumance. Si, ce soir, pour la première fois
                 de  votre  vie,  afin  de  dormir,  vous  prenez  un  hypnotique,  une
                 demi-barrette de Stilnox , vous connaîtrez un sommeil profond.
                                        ®
                 Si, en raison du confort nocturne que cela vous a procuré, vous
                 prenez  régulièrement  cet  hypnotique,  après  avoir  bénéficié
                 pendant  quelques  semaines  de  son  efficacité  initiale,  vous  ne
                 l’obtiendrez  ultérieurement  qu’en avalant  une barrette  entière.
                 Une telle augmentation des doses s’observe pour des laxatifs, des
                 décongestionnants nasaux, divers analgésiques, etc. Cela vaut pour
                 beaucoup de drogues (mais pas toutes). Ce phénomène conduit
                 leurs consommateurs  à s’engager  dans une  course-poursuite,
                 entre les doses et/ou la fréquence de leur administration qu’il faut
                 accroître, pour accéder à l’effet recherché, qui caracole toujours
                 en tête. Ce « toujours plus, toujours plus souvent, toujours plus
                 fort », semble la devise du toxicomane.  Quand une drogue ne
                 lui apporte plus le plaisir qu’il en attend, après qu’il ait accru les
                 doses et la fréquence de son administration, il en ajoute une autre.
                 C’est l’« escalade » s’il abandonne la drogue précédente et c’est la
                 polytoxicomanie s’il ajoute cette nouvelle drogue à la précédente.
                   Jusqu’à  un  passé  récent,  afin  d’obtenir  la  légalisation  du
                 cannabis, des idéologues, résolument  aveugles et sourds  aux
                 constats communs,  contestaient  la théorie  de l’escalade.  Ils
                 réfutaient  l’idée que l’usage d’une drogue, qui correspond à
                 l’occupation  d’un des barreaux de l’échelle  des toxicomanies,
                 puisse faciliter l’accès aux barreaux du dessus. Ils s’appliquèrent
                 à ériger leur déni en doxa et vouèrent aux gémonies, ou à tout
                 le moins au ridicule,  ceux qui y dérogeaient.  Le débat fut vif,
                 comme beaucoup d’autres dans le champ des toxicomanies. La
                 logique,  la  neurobiologie  et l’épidémiologie  donnant tort  à ces
                 maîtres  à  penser (à  penser pour les autres,  mais  pas à panser
                 leurs plaies), ils ont été contraints à un subtil aggiornamento. Ils
                 ont substitué au mot « escalade », dont ils n’avaient pas voulu,
                 celui de « polytoxicomanies ». On leur fera remarquer que les
                 polytoxicomanies  qu’ils constatent  sont pires que l’escalade
                 qu’ils contestaient ; expliquons-nous. Dans l’escalade, l’alpiniste
                 abandonne la prise située au plus bas pour accéder à une prise au-


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