Page 314 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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270            MEDICAMENTS INDUISANTDES MODIFICATIONS COVALENTES DE L'ADN

               Cette nouvelle classe présente potentiellement, un double intérêt thérapeutique :
                1) par leur mode d'action original, très différent de celui des complexes monoplatinés
              « classiques », ces complexes permettent le contournement des mécanismes de résis-
              tance habituellement rencontrés, ce qui leur confère un spectre d'activité élargi;
                2) par les faibles distorsions de l'ADN qu'ils provoquent, les bisplatines diminuent les
              risques de mutagenèse, par rapport au cisplatine.
              8.2.4.2.  COMPLEXETRIPLATINÉ : BBR 3464
              Décrit par FAREL et al. en 1993, le BBR 3464 est le premier représentant de la classe des
              polyplatines bifonctionnels entré en phase d'étude clinique, dès 1998. Sa structure
              (figure 38) présente un atome de platine central entouré de quatre ligands azotés, donc
              incapable d'établir de liaison covalente avec l'ADN : les deux charges positives appor-
              tées par cet atome induisent de fortes interactions électrostatiques avec les sites anio-
              niques de l'acide nucléique.




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              Figure 38 : Structure du BBR 3464
                Ces interactions supplémentaires permettent au BBR 3464 une liaison très rapide sur
               I'ADN (les adduits se forment six fois plus vite que dans le cas du cisplatine) ainsi qu'une
               accumulation intracellulaire. En outre, il a été démontré que le BBR 3464 était un puissant
               inducteur de l'apoptose.
                 Toutes ces propriétés expliquent l'excellente activité antitumorale du BBR 3464 : les
               doses thérapeutiques sont approximativement égales au dixième de celles du cisplatine.
               De plus, ce composé possède un spectre étendu, qui s'élargit aux cancers colorectaux
               et pancréatiques, sans manifestations néphrotoxiques significatives.
               8.2.4.3.  COMPLEXETÉTRAPLATINÉ
               Le complexe 30 correspond à un tétramère obtenu par condensation de la thiosemicar-
               bazone du para-isopropylbenzaldéhyde sur le tétrachloroplatinate de potassium. La
               structure du squelette de base (cf. figure 39), établie par radiocristallographie, comprend
               une alternance d'atomes de platine et d'atomes de soufre, constituant un cycle octaé-
               drique possédant une conformation bateau.
                 Ce complexe manifeste une activité importante, in vitro, vis-à-vis de cellules
                résistantes au cisplatine. Le mécanisme de l'interaction avec l'ADN pourrait résulter de
                liaisons interhélicoïdales, rendues possibles en raison de la taille très importante de ce
                tétramère.
                8.2.5.  Complexes trans du PU' et du P"V
                L'activité pharmacologique des platines antitumoraux a été initialement corrélée à la
                configuration cis obligatoire des groupes partants, compte tenu de l'inefficacité du trans-
                platine. En 1989, FARRELL et al. ont montré que le remplacement des ligands ammine du
                transplatine par divers hétérocycles conduisait à des composés actifs. Dès lors, cette
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