Page 509 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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17. MITTOXANTRONE 467
• Inhibition de la synthèse d'ADN
La modification de l'angle de déroulement de I'ADN au voisinage du site d'intercalation (17°,
dans le cas de la mitoxantrone) permet d'expliquer en partie l'arrêt de la réplication de l'ADN.
• Inhibition de l'élongation de l'ARN transcrit
En se fixant de façon irréversible à I'ADN en double hélice, la mitoxantrone l'empêche
de fonctionner comme une matrice efficace pour la synthèse de l'ARN. Le mécanisme
de l'inhibition de la transcription semble lié à un blocage de la progression de l'ARN
polymérase le long du grand sillon de l'ADN. Deux arguments ont été avancés pour
expliquer l'arrêt de la polymérase :
- La première hypothèse est fondée sur la présence des chaînes latérales de la mitoxan-
trone dans le même sillon que celui suivi par l'enzyme. Expérimentalement, les bloca-
ges transcriptionnels se produisant au niveau du nucléotide précédant le site d'inter-
calation confortent cette hypothèse.
- Un deuxième mécanisme met en jeu le formaldéhyde, produit en quantités importan-
tes par certaines cellules tumorales d'origine myéloide. De façon analogue au schéma
réactionnel proposé pour la formation d'adduits interbrins doxorubicine-ADN
(cf. chapitre 16), il a été mis en évidence la possibilité d'une activation de la mitoxan-
trone par ce métabolite pathologique. Des études in vitro mettant en présence des
fragments d'ADN, du formaldéhyde et l'agent cytotoxique ont en effet démontré la
possibilité d'un pontage méthylénique entre la molécule anthraquinonique et le
deuxième brin d'ADN. Ces adduits interbrins, localisés spécifiquement au niveau des
paires de bases CG et CA, seraient également responsables de l'arrêt de la transcrip-
tion, par blocage de la progression de l'ARN polymérase.
En réalité, plusieurs processus, à la fois physiques et chimiques doivent être consi-
dérés globalement pour comprendre la cytotoxicité de la mitoxantrone.
7.2.1. Interférences avec la topo-isomérase II
Les similitudes structurales entre la mitoxantrone et la doxorubicine ont conduit à l'hypo-
thèse d'un mode d'action cytotoxique commun à ces deux dérivés : l'interférence avec
le système catalytique de la topo-isomérase Il constitue un mécanisme classiquement
reconnu pour la plupart des agents antitumoraux intercalants (cf. chapitre 13).
Ainsi que le montre le tableau 4, il existe une très bonne corrélation entre la capacité
de stabilisation du complexe clivable et l'activité cytotoxique de la mitoxantrone. Les
hydroxyles appartenant au système tricyclique (cas de la mitoxantrone et du BBR 2577,
en expérimentation) sont essentiels à l'élaboration du complexe ternaire [agent cytotoxi-
que/enzyme/ADN), ainsi que pour la stabilisation de ce dernier. La suppression des
hydroxyles phénoliques (amétantrone) provoque à la fois un effondrement de l'affinité
pour le complexe clivable et de l'activité cytotoxique.
7.2.2. Cytotoxicité résultant d'une activation métabolique
• Activation réductrice: production d'espèces radicalaires
Sous l'influence de la DT diaphorase, la mitoxantrone (MITX) subit un métabolisme
réductif en une hydroquinone (MITXH,), en équilibre avec la leucoanthraquinonediimine
correspondante (cf. 3.3.3.). Un processus ultérieur d'autooxydation engendre des radi-
caux libres selon les équations suivantes :
MITXH, + 0, = MITXH +03 +H
MITXH' + 0, s MITX+ 03 + H'