Page 840 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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tantes, un seul aminoacide de la ~-tubuline est affecté : Phe270 (remplacé par Ala). ou
Ala364 (remplacé par Tor) ou encore Leu215, 217, 228. Selon les études radiocristallogra-
phiques, Phe270 est proche de la Leu275 dont l'interaction avec le cycle taxane est majeure.
Dans le cas de la mutation de Phe270, son remplacement par un aminoacide moins encom-
bré (alanine ou valine) doit modifier la géométrie des interactions et défavoriser la fixation du
paclitaxel, expliquant ainsi la chimiorésistance. Une étude récente a montré dans des cas
de cancers du poumon non à petites cellules que les patients présentant des mutations de
la tubuline répondent moins bien au traitement par le taxol que ceux qui en sont exempts.
4. RÉSISTANCE AUX ANTIMÉTABOLITES
L'effet cytotoxique des antimétabolites est dû à l'inhibition d'enzymes clés du méta-
bolisme des acides nucléiques. Les mécanismes de résistance spécifiques les mieux
décrits se réfèrent à trois d'entre eux : le méthotrexate (antifolique), le fluorouracile (anti-
pyrimidine) et la cytarabine (antipyrimidine).
L'activité du méthotrexate est conditionnée par son entrée dans la cellule grâce à un
transporteur de folate, puis par une polyglutamylation via la folylpolyglutamate synthase,
et enfin, par son interaction avec la dihydrofolate réductase (DHFR), enzyme qui convertit
le dihydrofolate en tétrahydrofolate. La résistance au méthotrexate est observée lors d'un
dysfonctionnement de l'une de ces étapes : diminution de la quantité de transporteur
modulant l'influx, diminution du taux de polyglutamylation ou encore augmentation de
la quantité de DHFR ou de thymidylate synthase.
À côté des mécanismes d'augmentation de l'efflux décrits plus haut (MRP1 et MRP2),
la résistance au méthotrexate observée sur des lignées humaines soumises à des con-
centrations croissantes de cytotoxique, est fréquemment liée à une surexpression du
gène DHFR (augmentation de la quantité de DHFR) et à son amplification (augmentation
du nombre de copies). Ce dernier mécanisme peut être considéré comme responsable
de 20-30 % des cas de résistances cliniques. Une augmentation de l'activité ou une
surexpression de la folylpolyglutamyl hydrolase réduit le taux de polyglutamate-MTX.
La cytotoxicité du fluorouracile est liée à l'inhibition de la thymidylate synthase par le
5-fluoro-2'-désoxyuridine monophosphate (FdUMP). L'incorporation du 5-fluoro-uridine
triphosphate dans l'ARN contribue également aux effets antitumoraux. La résistance au
fluorouracile est donc multiple. Contrairement à la plupart des cytotoxiques, le transport
ne semble pas être déterminant dans les phénomènes de résistance, dont la cause
majeure est reliée à une inhibition insuffisante de la thymidylate synthase (TS). FdUMP
forme avec la TS et le tétrahydrofolate un complexe covalent ternaire inactif. La diminution
du taux de FdUMP consécutive à une altération de(s) enzyme(s) nécessaire(s) à sa forma-
tion entraîne la résistance tumorale. De même, une modification du taux de TS ou la
diminution, après mutation, de son affinité pour FdUMP sont associées à une résistance.
la cytarabine est phosphorylée dans la cellule tumorale par des kinases qui la trans-
forment en cytarabine triphosphate (Ara-CTP), le métabolite actif. L'Ara-CTP est consi-
déré comme substrat par l'ADN polymérase qui l'incorpore à l'ADN, ce qui conduit à la
terminaison prématurée de la chaîne et à la mort cellulaire par apoptose. La cytarabine
est donc très active durant la phase S de synthèse de l'ADN. Ceci explique que des
cellules en phase de repos soient insensibles à son action. Une altération de l'activité de
kinases phosphorylant la molécule ou une modification de l'expression des gènes qui
codent pour elles, sont autant de causes de résistance. L'Ara-CTP et ses précurseurs
sont catabolisés par des phosphatases ou encore inactivés par des désaminases. Il a
été montré sur des cellules leucémiques une résistance par augmentation de la