Page 842 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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800 RÉSISTANCE AUX ANTTTUMORAUX
OGAT est une petite protéine de 207 aminoacides, retenue dans le noyau en raison
de son affinité pour l'ADN. Lesétudes radiocristallographiques de l'OGAT de E. co/imon-
trent que le site actif est enfoui au cœur de la protéine, ce qui suppose un changement
de la conformation de la protéine ou du substrat pour que la réaction enzymatique ait
lieu. Le mécanisme le plus probable serait une déformation de l'ADN sous l'influence de
l'enzyme permettant à la O-alkylguanine de pénétrer jusqu'au site actif de l'OGAT. Ceci
serait rendu possible par l'insertion d'un aminoacide de l'enzyme (vraisemblablement
Arg128) dans I'ADN. En effet, la mutation de Arg128 en Ala réduit les capacités de répa-
ration de l'OGAT/MGMT, sans diminuer l'affinité de l'O-alkylguanine libre. D'autres ami-
noacides (dont Tyr114 et Lys165) seraient aussi impliqués dans la liaison de OGAT à
T'ADN. Les aminoacides His148 et Glu172 favoriseraient à partir de la cystéine, la forma-
tion d'un anion thiolate qui déplace selon une réaction S,2 le groupe alkyle du reste
guanyle.
L'OGAT/MGMT joue un rôle important dans la résistance des tumeurs pancréatiques
aux alkylants. Son activité et son expression dans l'épithélium pancréatique dysplasique
sont augmentées durant la progression tumorale, atteignant destaux élevés au cours de
la phase invasive. Ainsi, les cellules riches en enzyme de réparation, appelées Mer,
résistent mieux aux nitrosourées que celles Mer ne l'exprimant pas.
En réparant les lésions de l'ADN, l'OGAT/MGMT est donc considérée comme le fac-
teur majeur de résistance clinique vis-à-vis des nitrosourées, mais aussi d'autres cyto-
toxiques (dacarbazine, témozolomide...). La sensibilité au traitement chimiothérapeuti-
que semblerait inversement proportionnelle à l'activité de l'enzyme, bien que cette
relation ne soit pas toujours clairement démontrée. A ce titre, l'OGAT constitue une cible
thérapeutique intéressante afin de combattre les phénomènes de résistance qui appa-
raissent très tôt. Des inhibiteurs ou modulateurs enzymatiques ont donc été conçus afin
de limiter son effet et de potentialiser ceux des alkylants.
La O-méthylguanine inhibe l'enzyme in vitro mais est dépourvue d'activité in vivo. Sur
des lignées CHO, l'analogue benzylé O-benzylguanine (bG) augmente de 10 à 20 fois la
cytotoxicité des agents alkylants et diminue l'effet mutagène des moutardes à l'azote et
des oxazaphosphorines. OGAT est S-benzylée surCys 145 tandisque la guanine est régé-
nérée. Le traitement par la bG provoque l'arrêt des cellules en G1 et conduit un plus grand
nombre de cellules à l'apoptose. Administrée avant la chimiothérapie sur des xénogreffes
de cellules tumorales Mer+ ou Mer humaines du SNC, la molécule augmente très signifi-
cativement l'action du BCNU et prolonge de façon importante le délai de survie des ani-
maux. Des traitements par la bG associée aux nitrosourées (BCNU) ou aux alkyltriazènes
(témozolomide) sont proposés en essais cliniques avec, pour indications, les tumeurs soli-
des et le myélome multiple ainsi que les cancers de la peau ou du cerveau.
R=H X=NO, NO,
R =CH, O-benzylguanine (bG)
R = thién-2-y
Schéma 4: Inhibiteurs de l'OGAT/MGMT

