Page 97 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
P. 97
CHAPITRE 4
MOUTARDES À L'AZOTE
COORDONNATEUR: J. COUQUELET
La découverte des effets cytotoxiques des moutardes à l'azote remonte à l'utilisation de
l'ypérite comme gaz de combat durant la Première Guerre mondiale. Ce produit, com-
munément appelé « gaz moutarde », présente d'emblée de redoutables effets vésicants
sur la peau, les yeux et l'appareil respiratoire. L'importante toxicité retardée de ce gaz
se traduit par une leucopénie sévère, une aplasie médullaire et des ulcérations gastro-
intestinales.
Bien que n'ayant jamais été utilisé durant la deuxième guerre mondiale, un incident
malheureux exposa le personnel militaire naval et un certain nombre de civils au gaz
moutarde. Un stock de gaz était embarqué à bord du Liberty Ship S.S. John Harvey dans
le port de Bari (Italie) en décembre 1943, lorsqu'un raid aérien allemand détruisit le navire,
libérant le toxique ainsi qu'une nappe de pétrole chargée de gaz. Un grand nombre de
personnes décédèrent ; les rescapés furent atteints de graves brûlures. Parmi ceux-ci,
il fut observé une diminution considérable des éléments figurés du sang.
Par ailleurs, pendant l'entre-deux-guerres, des études avaient porté sur les propriétés
des moutardes à l'azote, analogues du gaz moutarde. Leur importante toxicité sur le tissu
lymphoïde incita Gilman et al. à étudier leur effet sur des lymphosarcomes transplantés
chez la Souris. Une fois cet effet constaté, des études cliniques commencèrent en 1942,
mais les résultats ne furent connus qu'à la fin de la guerre. Une revue générale fut alors
présentée en 1946 par Gilman et Philips. Cette revue marque le véritable début de l'ère
moderne de la Chimiothérapie anticancéreuse.
L'une des premières moutardes à l'azote efficace en clinique, encore utilisée de nos
jours, est la méchloréthamine ou chlorméthine. _
"
s -
~
~Cl
eaomm9$,,,
ypértle
(gaz moutarde) Cl (moutarde à l'az
De nombreux autres dérivés ont été synthétisés à partir de cette structure de base,
mais peu d'entre eux se sont révélés compatibles avec une utilisation clinique.