Page 143 - 266687ILJ_CERVEAU_cs6_pc.indd
P. 143

LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
                  un tiers avec quelqu’un qui peut vous enseigner des choses, et un
                  tiers avec quelqu’un à qui vous pouvez en enseigner à votre tour.
                  Un tiers avec soi, un tiers avec ses mentors, un tiers avec ses élèves,
                  c’est l’équilibre pratiqué empiriquement par les Vinci, Platon ou
                  Héron d’Alexandrie. Comment avons‑ nous pu être assez incons‑
                  cients pour nous en départir ?
                    On ne consolide jamais mieux un cours que lorsqu’on  l’enseigne
                  à autrui. Je me souviens avoir excellé à l’université d’Orsay,
                  bien devant ceux qui bachotaient leurs partiels et en y consacrant
                  bien moins d’heures qu’eux, tout simplement parce que, après les
                  amphis, j’allais donner des cours de soutien portant sur le cours que
                  je venais de recevoir. Très vite, j’ai pris l’habitude de suivre un cours
                  dans la perspective de devoir le donner moi‑ même quelques jours,
                  voire quelques heures après. Cette posture intellectuelle prédispose
                  bien plus à la maîtrise du savoir que celle de l’écolier diligent. Elle
                  est plus mature et plus efficace, mais aussi plus épanouissante.

                  Enseigner, expérimenter
                    En France, on a  longtemps  appelé nos  écoles  professorales
                  « écoles normales » (dont il existe encore aujourd’hui une Supé‑
                  rieure dans la normativité). Nous aurions plus vite fait de dire :
                  « écoles anti‑ épanouissement »… Dans un monde décentralisé,
                  organisé en réseaux, une éducation nationale pyramidale, qui ne
                  laisse aucune autonomie à ses enseignants, appartient tout simple‑
                  ment au passé, et dilue structurellement la responsabilité de son
                  échec de sorte à ne jamais évoluer que superficiellement. Comme
                  l’a parfaitement compris Nassim Nicholas Taleb, la bureaucratie
                  est une invention qui permet de mettre un maximum de distance
                  entre celui qui prend la décision et le risque. C’est la mentalité
                  Maginot. De même que pendant la Seconde Guerre mondiale, le
                  général Gamelin fut surnommé « Baudelaire » par son état‑ major,
                  parce que sa stratégie se résumait à ce vers du célèbre poème « La
                  Beauté » : « Je hais le mouvement qui déplace les lignes. » Toute
                  notre éducation semble figée dans ces quelques mots.
                    Pour avancer, il faudrait laisser une autonomie totale aux pro‑
                  fesseurs dans l’expérimentation pédagogique. Certains croiront
                  que c’est là prendre un risque, or le pire des risques consiste à ne
                  pas en prendre : mentalité Maginot derechef. Les changements


                  142








         266687ILJ_CERVEAU_cs6_pc.indd   142                                     02/09/2016   14:39:00
   138   139   140   141   142   143   144   145   146   147   148