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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
le faire sur une longue période alors si vous n’aimez pas ça, si vous
ne prenez pas de plaisir à le faire, si vous n’aimez pas ça pour de
vrai, vous allez abandonner. Et en fait, c’est ce qui se passe pour
la plupart des gens. Si vous regardez les gens qui sont considérés
comme “couronnés de succès” aux yeux de la société, bien sou-
vent, ce sont des gens qui adoraient ce qu’ils faisaient de sorte
qu’ils ont pu persévérer, quand c’est devenu vraiment dur. Et les
autres, qui n’aimaient pas ça, ont abandonné… parce qu’ils sont
sains d’esprit ! Qui voudrait continuer un truc aussi difficile s’il
n’aime pas ça ? Donc c’est beaucoup de travail, dur, et beaucoup
d’inquiétude, et si vous n’aimez pas ça, eh bien, vous allez échouer,
c’est tout. Alors oui, il faut de l’amour, il faut de la passion. »
Toute la bureaucratie, dans nos sociétés, préfère la conformité
à la passion. À l’école, dans les examens, les concours, puis dans
les recrutements, chaque fois que cette chaîne doit choisir entre la
conformité et l’amour, elle choisit la conformité. Comment s’éton‑
ner de ce qu’elle produise autant de malheur et de souffrance ? La
conformité n’est pas une fin en soi, et elle ne remplira jamais une
vie humaine, elle ne vous fera jamais vous lever heureux et vous
endormir épanoui… Qui aimerait dire avant de mourir : « J’ai vécu
conforme ! » ?
Les biens et services qui n’ont été fabriqués que pour un marché
ou, pire, par corvée, portent sur eux cette souffrance, cet ennui.
« Pourquoi fabriques‑ tu des voitures ? » demande‑ t‑on au fabricant
de Trabant. « Eh bien, parce que le comité central me l’a demandé,
camarade. Moi je voulais être vétérinaire, au départ, mais on m’a
dit : tu fais des voitures, donc je fais des voitures. Du coup, je me
suis fait chier à la construire, tu vas te faire chier à la conduire,
tout va bien. »
C’est la situation de l’entrant forcé (la pire d’entre toutes les
situations), c’est‑ à‑ dire celui qui fait son travail parce qu’il y est
obligé. Dans notre éducation, la majorité des élèves et la majo‑
rité des professeurs ont le moral d’un entrant forcé. Ce n’est pas
leur faute, c’est la structure que nous avons conçue qui encourage
cette situation, parce qu’elle considère l’enthousiasme et la passion
comme anti‑professionnels et qu’elle préfère un enseignant blasé,
mais dans le moule, à un enseignant passionné qui défie les cadres.
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