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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
3. L’effet Pygmalion
Cet effet est bien connu : quand un professeur attend d’un élève qu’il
soit bon, l’élève devient bon ; quand il attend de lui qu’il soit mauvais,
l’élève devient mauvais. C’est pour cette raison que Maria Montessori
avait établi en son temps la règle déontologique selon laquelle un profes‑
seur doit s’abstenir de penser du mal d’un de ses élèves (car l’attitude
psychologique, même dissimulée, peut être trahie par le langage corporel,
le temps de réaction, etc.). Elle craignait que cette simple pensée, ajoutée
à une éventuelle impuissance apprise, ne transmette à l’élève un élan
négatif qui le suivrait toute sa scolarité.
L’effet Pygmalion est illustré par l’expérience de Lenore Jacobson et
Robert Rosenthal, menée dans les années 1960. Dans ce protocole, les
chercheurs font passer un test de QI à des élèves d’une école primaire en
Californie, sans en donner le résultat à leurs professeurs. Ils en choisissent
cependant quelques‑ uns au hasard (un sur cinq, environ), et disent aux
enseignants qu’ils sont plus performants. Les chercheurs testent plusieurs
classes, certains avec « faux élèves brillants », et d’autres sans, afin de
pouvoir les comparer. En un an, le QI général de toutes les classes a
augmenté, mais celui des « faux brillants » a augmenté d’une façon plus
significative encore. Preuve que les seules attentes d’un éducateur sur ses
élèves peuvent avoir un impact sur leurs performances.
La pire peur d’un enfant, c’est d’être abandonné. La pire peur d’un
adolescent, puis d’un adulte, c’est d’être exclu de son groupe, car le groupe
(on le voit notamment dans les prisons), c’est la survie. Ce phénomène
est un héritage de notre évolution. Les enfants, mais aussi les adultes, se
sentent souvent obligés de se conformer à l’image que les autres ont d’eux,
car il vaut mieux être conformément mauvais que non conformément
bon. Le monde universitaire, qui est entièrement organisé autour de la
conformité, adopte également ce point de vue.
Dans le cadre familial, quand un père dit à son fils : « Tu es mauvais en
maths, mais tu sais, papa l’était aussi. », il croit réconforter son enfant
mais il se trompe, car cette phrase peut le plonger dans un véritable
dilemme : « Si je reste mauvais, mon père se reconnaîtra en moi, alors
que si je deviens bon, il me rejettera… »
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