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4.
Jouer, travailler, vivre…
Le sens du travail
L’école prépare à la société, et si elle a des vices, ils s’y trouveront
amplifiés. L’individualisme, la conformité, l’apprentissage monoca‑
nal… Tous ces vices scolaires se retrouvent en société, mais le plus
grave d’entre eux, c’est l’idée que le plaisir est anti‑professionnel.
Nous changerons notre société si nous plaçons l’épanouissement
devant l’utilité économique. Dans les pays latins, on se souvient que
le mot « travail » vient de tripalium, un instrument dont on se servait,
dans l’Antiquité, pour torturer les esclaves rebelles, ou encore pour
ferrer les chevaux rétifs. L’idée est donc enfouie dans notre inconscient
collectif que le travail est une conformité forcée, du berceau au tom‑
beau, qu’il sera nécessairement douloureux. Or rien n’est plus faux :
travailler dur pour quelque chose que l’on aime, cela s’appelle de la
passion. Hélas, c’est encore trop rare. Si nos sociétés se considèrent
comme civilisées sous prétexte qu’elles ont l’eau courante et le courant
électrique, il y a une nouvelle électrification, une nouvelle eau courante
à apporter à nos villes et à nos lieux de travail et c’est celle du sens. J’ai
vu des bureaux, des écoles, des quartiers où les gens ne savaient pas
pourquoi ils travaillaient. Ce furent des lieux sordides, car les déserts
de sens sont des lieux psychologiquement sales, insalubres. Là où le
sens ne coule pas, les humains pourrissent lentement et affreusement.
Mais si un marais peut sentir l’eau stagnante, beaucoup d’humains
sont incapables de voir comment des lieux vides de sens peuvent
putréfier la psychologie de cités entières.
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