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JOUER, TRAVAILLER, VIVRE…
                  de la boue comme des enfants – mais avec la volonté et la capacité
                  de nuire d’un adulte. Moi‑ même, je suis souvent devenu ami avec
                  des gens qui m’avaient attaqué sur Internet. Parfois, il s’agissait de
                  personnes que je respectais avant même qu’elles ne me connaissent,
                  et il m’était facile de trouver un angle d’entente avec elles. Parfois, il
                  s’agissait d’une personne que je ne connaissais pas, mais une courte
                  circumnavigation sur le Web me montrait rapidement sur quoi
                  nous pourrions sincèrement nous entendre. J’ai pu remarquer avec
                  le temps que, souvent, les personnes qui insistent pour maintenir le
                  conflit ouvert malgré tous vos efforts, celles qui font tout pour ne
                  vous montrer que leur aspect sphérique, ce sont les plus haut placées,
                  pour qui admettre un tort n’est pas une option.
                    La théorie du « connard sphérique » a une sœur, la « psycatrice ».
                  En anglais le p de psychology est muet, et si on ne prononce pas
                  celui de « psycactrice », on obtient le terme « cicatrice ». Une cica‑
                  trice à l’âme, c’est bien ce dont il est questions. Tous les êtres
                  humains ont des plaies, parfois refermées, parfois purulentes, dans
                  leur psyché. L’un des plus gros pourvoyeurs de ces plaies est ce que
                  le maître soufi Aly N’Daw appelle l’« héritage relationnel paren‑
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                  tal », auquel il a consacré un essai brillant de simplicité . Mais si
                  le cercle familial ou tribal est de loin le plus gros pourvoyeur de
                  préjugés propices à la guerre, il existe au‑ delà de lui de nombreuses
                  situations qui nous scarifient psychologiquement.
                    C’est donc le lot de chaque humain que d’être scarifié et de porter
                  en lui des cicatrices plus ou moins saines. Une plaie parfaitement
                  soignée nous rendra plus forts et plus sages, en ce sens, il est bon
                  de subir des blessures. De là vient aussi le thème de la pierre phi‑
                  losophale, qui transforme le plomb en or, et notre ego, en quelque
                  sorte, en trésor pour l’humanité : transformer une plaie en force,
                  c’est changer le plomb en or. Mais les psycatrices, mal soignées,
                  sont probablement à l’origine de tous les maux de l’humanité. On
                  les décèle, par exemple, quand quelqu’un réagit d’une façon dis‑
                  proportionnée à une frustration. Les Français ont pu en observer
                  un cas en 2008, lorsque Nicolas Sarkozy, au Salon de l’agriculture,
                  prononça son célèbre « casse‑ toi alors, pôv’ con », alors qu’un pas‑
                  sant refusait de lui serrer la main.


                    1.  Aly N’Daw, La Thérapie de libération, International Sufi School, 2010.

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